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L’énergie, pas la bombe !
16/10/2012

Contre la prolifération, une agence et un traité

Washington va, dès lors, changer radicalement de politique et renoncer au secret. Dans son discours « Atoms for peace », prononcé le 8 décembre 1953 devant l’Assemblée générale des Nations-Unies, le président américain Dwight Eisenhower propose de faire bénéficier les autres pays des applications pacifiques de l’énergie nucléaire, en confiant cette mission à un nouvel organisme, à créer. A l’inverse de leur doctrine antérieure, les Américains admettent donc désormais qu’il serait possible de « découpler »  les utilisations pacifiques des applications militaires de l’énergie nucléaire, à la condition d’exiger du pays bénéficiaire d’un transfert qu’il s’engage à n’utiliser l’assistance octroyée qu’à des fins pacifiques. Le respect de cet engagement serait garanti par un système d’inspections.

Ce sera le rôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dont les statuts seront adoptés, en 1956, après plusieurs années de négociations particulièrement laborieuses, dominées par l’affrontement américano-soviétique. Contrairement à ce qui avait été envisagé avant sa création, l’Agence ne jouera presque aucun rôle en matière de désarmement nucléaire. Son activité majeure se concentrera sur le système de garanties d’une utilisation pacifique de l’atome, élaboré à partir de 1961. Le rêve d’un monde sans armes nucléaires semble d’autant plus abandonné que le « club » des Etats Dotés d’Armes Nucléaires (EDAN, dans le jargon) s’élargit à deux nouveaux membres : la France, en 1960, et la Chine, en 1964. Ces années d’ « euphorie nucléaire » voient se multiplier les programmes atomiques nationaux, entrepris plus souvent par volonté politique d’accéder à la connaissance nucléaire, symbole de prestige politique, que par le souci d’assurer un approvisionnement énergétique via l’électronucléaire. Alors que seuls cinq pays possédaient des réacteurs de recherche en 1953, ils seront 26 dix ans plus tard. Fission-nucléaireDe cette époque date la coopération nucléaire des Etats-Unis avec la Belgique et, notamment, avec… l’Iran.

La préoccupation nucléaire majeure des Etats-Unis et de l’URSS ne concernait pas tant la prolifération « verticale » (amélioration qualitative et quantitative de l’arsenal existant chez les Etats déjà détenteurs de l’arme atomique, les « EDAN ») que la prolifération « horizontale », c’est-à-dire l’augmentation du nombre de pays dotés de l’arme nucléaire.

C’est dans ce but que sera adopté, en 1968, le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), entré en vigueur le 5 mars 1970. Vingt-cinq ans après Hiroshima, le monde disposait ainsi d’un traité à vocation universelle visant à lutter contre la prolifération horizontale des armes nucléaires. Malheureusement, les imperfections du traité ont compromis son application universelle. Plusieurs pays, dits du seuil nucléaire, refusèrent, d’entrée de jeu, d’y adhérer. Parmi eux, Israël, l’Inde et le Pakistan, aujourd’hui dotés de l’arme atomique. En revanche, le Brésil, l’Argentine et l’Afrique du Sud ont renoncé, depuis lors, aux programmes nucléaires militaires qu’ils avaient entrepris. On a donc pu croire que le processus de prolifération était freiné, à défaut d’être stoppé.

Désillusion en 1991 ! D’une part, l’éclatement de l’Union soviétique fait émerger trois nouveaux pays souverains équipés, sur leur sol, d’armements nucléaires : l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan. Vont-ils exprimer des prétentions sur l’héritage stratégique l’URSS ? Finalement, non : moyennant des avantages économiques et politiques habilement négociés, ils laissent l’arsenal soviétique à la seule Russie et rejoignent le TNP en tant qu’ENDAN.

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