Terreur sur Hiroshima : 71 000 tués sur le coup
Le 6 août 1945 à 8h16 du matin, Little Boy, la première bombe, est alors larguée par un avion américain et explose au-dessus de la ville d’Hiroshima, rasant l’agglomération et causant la mort immédiate de plus de 71 000 personnes (2). Trois jours plus tard, Fat Man, la deuxième bombe, détruit Nagasaki, tuant sur le coup 70 000 personnes et causant, sans doute, presque autant de décès différés. La décision d’utiliser l’arme nucléaire contre des objectifs non exclusivement militaires et d’exposer, ainsi, un grand nombre de civils, a été prise délibérément par les Etats-Unis. Les cibles visées ont été désignées afin de provoquer un choc tel qu’il suffirait à enrayer définitivement la volonté japonaise de poursuivre la guerre. Objectif atteint : le 15 août 1945, l’empereur du Japon Hirohito annonce la reddition de son pays.
Les dés sont alors jetés. Le monde entier découvre avec stupeur la puissance destructrice, jusqu’alors inimaginable, de l’arme atomique. Et comprend aussitôt l’avantage stratégique et politique sans égal de ceux qui détiennent les secrets de sa fabrication. De ce fait, les potentialités résultant de la fission nucléaire apparaissent surtout comme militaires. Et le développement d’une quelconque exploitation à des fins civiles et pacifiques va être considérablement pénalisé, car entaché de soupçon. En effet, par le lien étroit qu’il entretient avec la technologie nécessaire à la fabrication d’une bombe atomique, tout développement d’un programme nucléaire civil va être entravé par la crainte qu’il camoufle l’élaboration d’une arme dont les Etats-Unis, en 1945, veulent conserver le monopole. Un bref saut dans l’actualité contemporaine illustre ce phénomène de défiance, cette atmosphère de suspicion : depuis plusieurs années, la république islamique d’Iran a repris un programme nucléaire entamé, dans les années 1950-60, sous le régime du Shah Mohammad Reza Pahlavi, avec le concours des États-Unis. Téhéran assure que ce programme ne poursuit pas d’autres fins que civiles, et principalement la production d’électricité, ce qui relève de son plein droit. Israël, autre pays du Proche et Moyen-Orient, soutient, au contraire, que le programme civil de l’Iran dissimule sa volonté de se doter de l’arme atomique. Plusieurs pays occidentaux, dont les Etats-Unis, lui emboîtent le pas. Entre phases de négociations et menaces israéliennes voire américaines de bombarder l’Iran –« avant qu’il ne soit trop tard »-, le bras de fer irano-occidental se poursuit depuis des années, sans qu’il soit encore possible de déterminer avec certitude laquelle des deux thèses est conforme à la vérité.
![Hiroshima_après-explosion. Hiroshima_après-explosion]()
Guerre froide et escalade nucléaire
Mais, après 1945, le monde a besoin d’énergie. Pour la reconstruction et pour atteindre les objectifs d’expansion économique, la quantité d’électricité nécessaire à moyen et long terme sera bien supérieure aux besoins rencontrés avant le conflit. Il paraît donc économiquement peu raisonnable et politiquement peu soutenable de restreindre à un seul pays ou à quelques Etats privilégiés l’accès aux potentialités considérables de l’énergie nucléaire. Mais, en même temps, l’ambivalence civile-militaire des connaissances nucléaires suscite l’inquiétude qu’un transfert de technologie et de matière contribue, directement ou indirectement, à l’émergence d’une nouvelle puissance atomique.
Pour résoudre ce dilemme, la solution envisagée est l’instauration d’un système d’autorisation des transferts de connaissances et des matières nucléaires, assorti de mécanismes de surveillance garants du respect des utilisations autorisées. Mais l’efficacité de ce système nécessite son application uniforme et universelle, exigence peu réaliste au regard de la situation géopolitique issue de la Seconde Guerre mondiale. La tension ne cesse en effet de grandir entre les deux « grands vainqueurs » d’hier, les Etats-Unis, l’Union soviétique et leurs alliés respectifs. L’affrontement politique entre les deux grands blocs « Est-Ouest » se profile ; la « Guerre froide » s’installe sur fond de lutte idéologique et d’alliances stratégiques. Les négociations internationales s’enlisent par manque de confiance mutuelle et, en août 1949, Washington perd le monopole de l’arme atomique : l’URSS fait exploser sa première arme nucléaire. Les Etats-Unis n’auront de cesse que de rétablir leur suprématie disputée, et l’Union soviétique de les surpasser : cette escalade dans la course aux armements ne prendra vraiment fin qu’à la charnière des années 1980 et 1990, avec la fin de la Guerre froide et de la bipolarisation du monde. Parallèlement à la surenchère entreprise par les deux grandes puissances, d’autres pays vont se lancer dans la course à l’arme atomique. Ce sera, d’abord, le cas du Royaume-Uni : en faisant exploser une arme nucléaire, dès 1952, au large de l’Australie, Londres démontre l’inefficacité de la politique américaine de rétention des connaissances, même à l’égard des alliés, en vue d’éviter la prolifération nucléaire.