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La foi trinitaire, ciment de l'Empire carolingien
13/09/2012

Dans la lutte contre l'adoptianisme, Charlemagne bénéficia de l'aide précieuse d'Alcuin. Ce théologien et pédagogue anglo-saxon (v. 735-804) exerça une grande influence culturelle et religieuse sur  l'empereur et sur son entourage: son action et son œuvre – dont une volumineuse correspondance – ont fait de lui l’une des chevilles ouvrières par excellence de ce qu'on a appelé la « renaissance carolingienne ». Sur le plan religieux proprement dit, celui qui s'était retiré à partir de 796 à l'abbaye Saint-Martin de Tours – dont il était l’abbé – mit toute son énergie au service de l'avènement d'un Empire chrétien idéal, celui-là même dont la législation capitulaire de l'Admonitio generalis (Admonition générale) du 23 mars 789 avait tracé les grandes lignes. A cette fin, il s'agissait d'éradiquer l' « hérésie » adoptianiste,  « obstacle majeur sur le chemin du peuple franc en marche vers le salut ». C'est qu'il était convaincu qu'il ne pouvait exister qu'une seule acception du message évangélique, fidèle en cela à l'héritage patristique. Raison pour laquelle, lui qui était opposé à l'emploi des armes pour la propagation de la « vraie » foi et donc adversaire de la conversion forcée des Saxons, lança en Francia de nouvelles campagnes de prédication, lesquelles se firent au nom de l'indivisible Trinité. Cette façon de procéder, opposée à la guerre sainte, porta ses fruits auprès des Avars dont la réussite de l'évangélisation inspira cette réflexion à Alcuin : « Si les Saxons ont tant de fois renié le sacrement du baptême, c'est parce qu'ils n'avaient jamais eu, enracinés dans leur cœur, les fondements de la foi. » 

Dans la dernière partie de son ouvrage, sous le titre significatif Prêcher la Trinité dans le royaume carolingien, Florence Close s'attelle à voir comment Charlemagne a pris à bras le corps l'ample projet de réforme culturelle et religieuse concocté de manière déterminante par la pensée alcuinienne, projet aux soubassements politiques évidents puisqu'il s'agissait d'œuvrer à l'unification de l'Empire. A cet égard, il poursuivait l'œuvre entreprise par son père Pépin qui, fortifié par l’onction reçue des mains du pape, avait déjà veillé à réformer l'Eglise franque sur le modèle romain. Lui cependant, en particulier à partir de la dernière décennie du VIIIe siècle, était habité d'une intime conviction, à savoir celle d'être porteur d'une mission divine qui le poussait non seulement à convertir les païens et à faire rentrer au bercail les adoptiens et autres hérétiques mais aussi, but ultime, à réunir tous les chrétiens dans un même espace – l'Imperium christianum – grâce à une foi commune en la Trinité. Le credo qui porte son nom, rédigé par Alcuin et datant de 794, servit momentanément à cette fin : il devait être la référence pour les théologiens de la cour et la norme dogmatique pour la Chrétienté occidentale.

Etayée par une impressionnante masse de sources – narratives, diplomatiques, épistolaires, législatives, théologiques et patristiques –, s'appuyant aussi sur les plus récents travaux historiques de référence, Charlemagne_et-Pape-Hadrian_Icette remarquable étude a fait de son auteur la lauréate du concours 2009 de la Classe des Lettres de l'Académie royale de Belgique. Reconnaissance qui donne d'autant plus de poids à sa conclusion : «[...] de toute évidence, Charlemagne compta la foi en un Dieu unique en trois personnes, au nombre des piliers sur la base desquels il entendait unifier ses royaumes en un empire. Croire en la Trinité n'était-ce pas croire en la diversité dans l'Unité ? [...]  le programme de réforme religieuse et l'expansion de la doctrine et de la culture chrétiennes participèrent à la stratégie générale du gouvernement carolingien. »

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