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La foi trinitaire, ciment de l'Empire carolingien
13/09/2012

Portrait-de-CharlemagnePourtant, isolé du reste de l’Occident, l’archevêque de Tolède, primat de l’Eglise de la Péninsule ibérique héritière du royaume des Wisigoths tombée sous la domination musulmane, développa, à la fin du VIIIe siècle, une interprétation de la christologie chalcédonienne que Rome jugea hérétique. Le pape Hadrien Ier et les théologiens francs accusèrent cette doctrine espagnole, passée à la postérité sous le nom « d'adoptianisme espagnol », de nier la nature divine du Sauveur, en faisant du Christ un homme rempli de l'Esprit divin lors de son adoption par Dieu par l'effet de son baptême. A la suite des recherches de John Cavadini, on admet désormais, au contraire, que la doctrine « adoptianiste » des évêques espagnols fut élaborée dans la péninsule ibérique sous domination arabe, en vue de sauvegarder la doctrine trinitaire proclamée lors du concile de Nicée I (325) par une insistance sur la présence du Fils incarné au sein de la Trinité. Soucieux de préserver la foi en l’Incarnation, l’archevêque Elipand de Tolède avait introduit le concept d’adoption pour expliquer, en la développant, l’idée du dépouillement du Verbe de sa divinité lors de l’Incarnation. Il semble qu’à l’origine, le malentendu entre Francs, Romains et Espagnols soit né de l’inadéquation des termes latins adoptivus et adoptio avec la terminologie juridique romano-germanique selon laquelle ces termes renvoyaient à la substitution d’une relation artificielle mais légitime à une relation naturelle dont résulte une forme amoindrie de filiation. Selon cette acception, parler de l’adoption du Fils revenait à affirmer l’inégalité de substance du Père et du Fils, mettant en péril le dogme de la Trinité divine. Ajoutant à cette confusion terminologique, un refus de compréhension de la tentative espagnole de développer le concept de Personne divine, les théologiens francs et romains crurent déceler dans « l’adoptianisme » élipandien une résurgence de graves erreurs condamnées durant la première moitié du Ve siècle.  Forts de la tradition de l’école théologique wisigothique, le puissant archevêque Epiland et le théologien Félix, évêque d'Urgel, n’entendaient pas se soumettre à l’autorité doctrinale franco-pontificale. Inquiet à l’idée que leur doctrine pût s'étendre en deçà des Pyrénées et ruiner l’unité religieuse au sein du  monde franc, Charlemagne lui-même, secondé par des théologiens venus des quatre coins de la chrétienté, monta au créneau sur cette question : la papauté soutint son entreprise avec la plus grande fermeté. Cette querelle théologique permit, entre autre, au roi des Francs de s’imposer comme le vaillant défenseur de l'orthodoxie, comme le rex praedicator

Charlemagne, défenseur de la Foi

Plusieurs débats théologiques relatifs à cette problématique adoptianiste eurent pour cadre la cour franque entre 767 et 799 : Florence Close les passe en revue avec minutie, insistant successivement sur la rencontre de Gentilly (767), les conciles de Ratisbonne (792) de Francfort (794) et, dans une moindre mesure, d’Aix-la-Chapelle (799). le concile de Francfort, où la doctrine honnie fut rejetée, est passé à la postérité comme le premier grand concile du règne du futur empereur : le célèbre capitulaire de Francfort en témoigne qui, indépendamment de la plupart de ses décisions ayant trait aux multiples aspects de la gouvernance du royaume franc, précise en son entame que « les très saints Pères [...] ont décidé que cette hérésie [adoptianiste] devait être extirpée radicalement de la sainte Eglise ». Tout particulièrement à cette occasion, conclut notre historienne, « Charles s'imposa comme chef incontesté de l'Eglise nationale franque, soumis à l'autorité romaine en matière de doctrine. Le concile de Francfort fut un haut lieu de réflexion sur l'alliance franco-pontificale que consacrerait le couronnement de l'an 800 ».

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