|
Par Pierre Verjans (REGIMEN, Univeristé de Liège, Dpt de Science-politique) |
||
|
Les mouvements qui se développent depuis quelques mois dans certains pays arabes exigent ouvertement l’accès pour leurs peuples aux droits démocratiques dont jouissent ceux des pays occidentaux. Sans préjuger la suite, les combats menés rappellent l’universalité de valeurs telles que les droits de l’homme et la démocratie qui étaient il y a peu présentées par certains comme strictement occidentales. L’universalité des valeurs n’empêche cependant pas que soit posé le débat sur la manière avec laquelle celles-ci sont appliquées et organisées. Il existe en effet plus d’une forme de démocratie dans le monde. Il revient en conséquence à chaque collectivité la responsabilité de réinventer l’organisation du vivre ensemble. Par ailleurs, plus près de nous, depuis plusieurs semaines, des jeunes et des artistes belges se posent la question de la signification de leur représentation au parlement. « Pas en notre nom ! » clament-ils à certains négociateurs qui veulent scinder la Belgique. En Asie, certains jeunes japonais remettent encore timidement en question la soumission à l’autorité que leurs aînés acceptaient dans la continuité du système traditionnel. Ces événements pourtant très différents ont un point commun, ils expriment des mutations dans la représentation que les gouvernés se font de leur situation : être gouverné de nos jours consiste de moins en moins à accepter ou subir « une verticale du pouvoir » mais se fonde sur la revendication d’être associé à la prise de décision. On voit donc poindre, non pas comme on l’a dit souvent, des sociétés apathiques et des citoyens dépolitisés mais au contraire de nouveaux modes de politisation. Les changements de régime en Afrique du Nord posent aussi la question de savoir dans quelle mesure les rapports internationaux peuvent en être transformés. A cet égard, il importe de souligner à nouveau combien les manifestations en cours reflètent une attente profonde des gouvernés à l’encontre des responsables politiques, économiques et sociaux. |
Cette attente dépasse largement le cadre des pays où se déroulent en ce moment les événements que nous rapportent les médias. Les questions posées touchent à un titre ou à un autre l’ensemble des Etats de la planète. Celle-ci est-elle alors le terrain d’un changement de régime ? Entre une gouvernance autoritaire qui prétend privilégier l’intérêt supérieur de l’Etat ou de quelques-uns au détriment du plus grand nombre, et une gouvernance néo-libérale ou technocratique de nature également oligarchique qui entend faire le « bien » des individus à leur place, peut-il émerger une gouvernance démocratique modifiant la relation gouvernants-gouvernés en permettant à ces derniers d’être davantage parties prenantes au débat sur la chose publique ? La colère dirigée hier contre les autocrates peut-elle se retourner contre les Occidentaux et leur gouvernance onusienne accusés d’intervention trop utilitariste, attaquant la Lybie riche en pétrole et sans allié et délaissant le Bahreïn et d’autres pays arabes où la répression bat son plein ? |
|
|
Toutes ces questions sont au cœur du projet de recherche du réseau international REGIMEN, Réseau d’Etude sur la Globalisation et la Gouvernance Internationale et les Mutations de l’Etat et des Nations, sur le thème « les natures politiques de la gouvernance ». Elles seront abordées dans le cadre du 4e congrès des cinq associations francophones de science (belge, française, luxembourgeoise, suisse et québécoise) qui aura lieu à l’Université Libre de Bruxelles les 20, 21 et 22 avril 2011sur le thème général : « Etre gouverné au XXIe siècle ». |
||