Résultats de l'expérience ? On n'observe pas de différence au niveau de la performance ou de l'activité cérébrale entre les deux catégories de sujets («extrêmes du matin», «extrêmes du soir») lorsque le test se déroule 1h30 après le réveil, c'est-à-dire à un moment où la pression de sommeil est faible. En revanche, 10h30 après l'éveil, sous une pression de sommeil plus élevée, la performance attentionnelle s'améliore chez les sujets possédant le chronotype «extrême du soir», ce qui n'est pas le cas chez leurs homologues «extrêmes du matin». Parallèlement, le noyau suprachiasmatique (SCA – horloge biologique circadienne) et le locus coeruleus (LC), deux régions cérébrales anatomiquement interconnectées et fortement impliquées dans le signal circadien qui sous-tend l'éveil et régule notre niveau de vigilance à l'éveil, connaissent un accroissement d'activité chez les sujets du soir.
«Sur la base de ces données, notre hypothèse était que la pression de sommeil s'accumule de façon plus rapide chez les "sujets du matin", de sorte qu'ils sont plus fatigués que les "sujets du soir" pour un même nombre d'heures passées en situation d'éveil», indique Christina Schmidt. Or il existe un excellent indicateur de la pression de sommeil : la densité des ondes lentes (enregistrées par électroencéphalographie) lors des premiers cycles de sommeil. Et, de fait, il apparut que les sujets dotés d'un chronotype du matin se caractérisaient par une plus forte densité de telles ondes en début de nuit.
D'où cette conclusion émise par les chercheurs «La pression de sommeil est inversement reliée au niveau d'activité dans la région du noyau suprachiasmatique pendant la tâche de vigilance, montrant pour la toute première fois chez l'homme que l'activité des circuits cérébraux responsables de la régulation circadienne est modulée par les processus homéostatiques du sommeil. Ceci suggère que les "sujets du matin" souffrent plus fortement que "ceux du soir" de l'impact de la pression de sommeil accumulée au cours de la journée, pression qui empêche l'expression optimale du signal d'alerte par les régions du noyau suprachiasmatique et du locus coeruleus.»
Tâches plus complexes
Les travaux de l'équipe belgo-suisse ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Outre la tâche (simple) d'attention visuelle, les chercheurs ont proposé aux deux groupes de 16 volontaires sélectionnés une tâche impliquant la mémoire de travail et une autre dite de gestion de conflits, faisant intervenir les fonctions exécutives.
Pour la tâche de mémoire de travail, les participants furent placés dans trois situations différentes. Dans la première, ils devaient indiquer au moyen de deux touches, une pour le «oui», l'autre pour le «non», si une lettre qui leur était présentée sur un écran correspondait à une lettre prédéfinie (T, par exemple). Il s'agissait là d'une condition de contrôle permettant de déterminer les zones cérébrales qui s'activent à la vue de lettres sans qu'une tâche de mémoire de travail soit prescrite. Dans la deuxième situation, où l'on faisait apparaître successivement des lettres, il était demandé aux participants de décider si la lettre qu'ils voyaient correspondait ou non à celle qui s'était imprimée sur l'écran deux «temps» auparavant. S'ajoutait ainsi une charge mnésique à la condition contrôle. Charge qui était encore accentuée dans la troisième situation, où il convenait de se référer à l'identité de la lettre apparue trois «temps» auparavant. Ici aussi, les tests eurent lieu, pour chaque participant, 1h30 et 10h30 après son heure habituelle de réveil. Leurs résultats (2), qui n'ont pas encore été analysés en détail ni publiés, semblent corroborer ceux de l'épreuve précédente (attention visuelle). Toutefois, les différences entre «sujets du matin» et «sujets du soir» ne portent plus sur le temps de réaction, mais sur le nombre de bonnes réponses fournies.
(2) Les résultats de l'IRMf, notamment, sont en cours de traitement.