À l'Université de Liège, c'est cependant une autre voie qu'a empruntée Christina Schmidt. En effet, les travaux qui lui ont permis de figurer comme premier auteur de l'article intitulé Homeostatic Sleep Pressure and Responses to Sustained Attention in the Suprachiasmatic Area(1), publié le 24 avril 2009 dans la revue Science, mettaient en scène des sujets plus «marginaux», à savoir des «extrêmes du matin» et des «extrêmes du soir». Il s'agissait en outre d'individus jeunes (18 à 30 ans). Pourquoi? Parce que, au-delà de 30 ans, les paramètres de sommeil tendent à changer – avec l'âge se manifeste une propension toujours plus affirmée à «devenir du matin». Deux groupes de 16 volontaires furent constitués, l'un composé d'«extrêmes du soir», l'autre d'«extrêmes du matin». « a sélection s'est opérée à partir d'un questionnaire auquel 6 000 personnes ont répondu, rapporte Christina Schmidt. Différentes variables furent prises en considération, car il faut se méfier des faux-semblants. Ainsi, certaines personnes se lèvent tôt parce qu'elles y sont contraintes par leur horaire de travail. Les individus qui nous intéressaient pour le groupe des «extrêmes du matin» n'étaient pas ceux-là, mais ceux qui se lèvent tôt de façon spontanée, sans réveil, y compris le week-end. De même, les «extrêmes du soir» sont par exemple des personnes qui, dès qu'elles en ont l'occasion, regardent la télévision jusqu'à trois ou quatre heures du matin et ne quittent leur lit que vers 11 heures ou midi.»
Une autre particularité des travaux relatés dans la revue Science du 24 avril est qu'ils font appel à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), alors que l'ensemble des études menées précédemment sur les relations entre les rythmes biologiques et la cognition étaient de nature comportementale et electrophysiologique.
L'influence du chronotype
Au cœur d'une collaboration entre l'Université de Liège (Centre de Recherches du Cyclotron, Département des Sciences Cognitives) et l'Université de Bâle (Centre de Chronobiologie), le programme géré par Christina Schmidt sous la supervision du professeur Philippe Peigneux (ULB) et de Fabienne Collette (ULg), avec le concours de Pierre Maquet (ULg) et de Christian Cajochen, a donc livré ses premiers résultats. Ils ont trait à une tâche d'attention visuelle mettant en jeu le temps de réaction du sujet. En quoi consistait-elle ? Les volontaires devaient fixer une croix sur un écran d'ordinateur. De temps à autre, et de façon aléatoire, celle-ci disparaissait et laissait la place à un compte à rebours digital. Il s'agissait alors d'appuyer le plus vite possible sur un bouton afin de le stopper. Parallèlement, l'activité cérébrale des sujets était enregistrée par IRMf. Le test, qui avait lieu à deux reprises au cours de la journée, durait 10 minutes et comportait 90 événements (apparitions du compte à rebours). Il ne se déroulait évidemment pas n'importe quand. Non, les épreuves étaient administrées à chaque volontaire une heure et demie et dix heures et demie après le moment de la journée où il se réveille habituellement.
Ce procédé original offre deux avantages essentiels. D'une part, il permet d'égaliser entre sujets le nombre d'heures passées à l'éveil et l'inertie de sommeil qui suit le réveil, deux variables qui peuvent influencer les résultats. D'autre part, il tient compte du fait que les sujets du soir et du matin pourraient se différencier par leur état de vigilance à des moments spécifiques de la journée. «En ne contrôlant pas cet aspect, l'hypothèse que la variabilité chronotypique des performances à la tâche prescrite ne serait que secondaire à une variation du niveau de vigilance ne pourrait être exclue», explique Christina Schmidt.