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Le secret des «sœurs Arabettes»
04/07/2008

L’Arabette des Dames et l’Arabettes de Haller sont deux espèces sœurs. Génétiquement très proches, ces plantes se distinguent cependant par des comportements particuliers. Alors que la première ne tolère pas de fortes concentrations en métaux lourds, la seconde pousse sur des sols qui en sont riches. Dans une étude publiée dans Nature (1), des chercheurs allemands de l'Institut Max-Planck et belges de l’Université de Liège dévoilent le rôle crucial d’un gène, HMA4, dans l’évolution des plantes hyper-accumulatrices de métaux (2).

Arabidopsis thaliana ou l’Arabette des Dames est bien connue du monde scientifique. Cette petite plante à fleur constitue, en effet, un organisme modèle dans le domaine de la recherche en biologie végétale. Son succès, cette Brassicacée le doit notamment à son génome de petite taille. Ce dernier, composé de quelque 28000 gènes, est complètement séquencé depuis 2001.

Autre qualité appréciable d’A. thaliana : elle est facilement «transformable». Les scientifiques peuvent ainsi créer des plantes transgéniques chez lesquelles des gènes cibles sont volontairement éteints ou activés. De plus, le cycle de vie de cette plante est très rapide. En effet, pour passer d’une graine à une plante puis à une nouvelle graine, il ne lui faut que deux mois (contre plus de six mois pour le maïs par exemple).

Enfin, l’Arabette des Dames s’auto-fertilise. Cette propriété permet d’obtenir aisément des plantules homozygotes pour une mutation voulue. En effet, les deux allèles d’un gène, provenant dans ce cas-ci d’un seul et unique individu, seront identiques. Les Arabettes génétiquement modifiées expriment alors pleinement leur(s) mutation(s).

Chacune son chemin

Hyperaccumulateur FRIl y a cinq millions d’années, l’Arabette des Dames et l’Arabette de Haller (Arabidopsis halleri) ont pris des chemins évolutifs divergents. Si cela peut paraître une éternité à l’échelle d’une vie humaine, dans l’histoire de notre planète il s’agit d’un évènement très récent. Cette jeune séparation entre les deux espèces se traduit d’ailleurs par la grande similarité de leur génome : elles partagent 94% d’identité d’ADN au niveau de leurs séquences codantes.

Mais telles deux sœurs, comme pour se distinguer l’une de l’autre, ces Arabettes ont développé des «personnalités» bien spécifiques. Les habitats qu’elles colonisent et leur comportement sont en effet fort différents. A. halleri vit sur des sols contaminés en zinc et en cadmium. Elle accumule ces métaux et les stocke au niveau de ses feuilles. On qualifie ce type de plante de «métallophyte» ou encore «hyperaccumulatrice».

Les substances métalliques peuvent ainsi constituer jusqu’à 3% du poids sec des feuilles de l’Arabette de Haller alors que chez A.thaliana, ce pourcentage ne dépasse pas 0,01%. Cette dernière est une plante non-accumulatrice et ne tolère pas de fortes concentrations en zinc et cadmium.

Le cadmium n’a aucune fonction vitale connue à ce jour pour la plante. Ce métal peut d’ailleurs être très toxique si le végétal n’a pas les adaptations requises pour pouvoir le tolérer. Le zinc, par contre, est un micronutriment faisant partie du flux de métaux essentiel pour la nutrition des plantes.

 

(1) Marc Hanikenne, Ina N. Talke, Michael J. Haydon, Christa Lanz, Andrea Nolte, Patrick Motte, Juergen Kroymann, Detlef Weigel & Ute Krämer, Evolution of metal hyperaccumulation required cis-regulatory changes and triplication of HMA4, in Nature 453, 391-395 (15 May 2008).

(2) Ces travaux résultent d’une collaboration entre des laboratoires de la Société Max-Planck (MPI-Plant Molecular Physiology, Postdam ; MPI-Developmental Biology, Tuebingen et MPI-Chemical Ecology, Jena), de l’Université de Heidelberg (Heidelberg Institute of Plant Sciences ; et "BioQuant Center, the new center for systems biology at the University of Heidelberg") et de l’Université de Liège.

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