Par Théo Pirard
Ouf… c’est par…ti ! Des étudiants de la Faculté des Sciences appliquées ont, avec le soutien de professeurs du Département LTAS (Aérospatiale & Mécanique) et de l’Institut Montéfiore, gagné une place à bord du petit lanceur Vega de l’ESA (Agence Spatiale Européenne). Objectif : lancer leur nano-satellite de 1 kg, qui est baptisé OUFTI-1, lors du premier vol de Vega durant la seconde moitié de 2009.
«Oufti», une expression populaire à Liège, pourrait bientôt passer dans le vocabulaire spatial comme l’acronyme d’Orbital Utility for Telecommunications/Technology Innovations. Elle désigne un nano-satellite, de type «Cubesat», projet - en cours de réalisation - d’étudiants en Master de la Faculté des Sciences Appliquées de l’Université de Liège d’après une idée proposée par Luc Halbach, radio-amateur et ingénieur chez Spacebel au Liege Science Park. OUFTI-1 devrait être le premier satellite réellement belge, certes de taille très modeste, puisque le PROBA-1 de 94 kg, qui est en orbite à 500 km depuis octobre 2001, est un satellite «made in Belgium» dans le cadre d’un programme technologique de l’ESA (Agence spatiale Européenne).
Sous l’impulsion des professeurs Gaetan Kerschen du LTAS/3SL (Space Structures and Systems Laboratory) et de Jacques Verly de l’Institut Montéfiore/EECS (Electrical Engineering and Computer Science), l’Université de Liège s’est lancé dans la réalisation d’un «Cubesat» de 1 kg à l’armature standardisée, qui peut tenir dans une main. Dans l’espace, entre 350 et 1200 km d’altitude, ce cube de 10 cm de côté, bourré de micro-électronique - c’est là que réside le défi technologique -, doit tester une « première » mondiale sur orbite. OUFTI-1, une fois placé autour de la Terre, deviendra le premier relais spatial du nouveau protocole D-STAR (Digital Smart Technologies for Amateur Radio) pour les télécommunications numériques entre radio-amateurs dans le monde.
Quelle affaire à Liège !
Au début de l’année, pour se familiariser à l’utilisation de ce protocole, l’Institut Montéfiore s’est doté du premier relais terrestre belge du système D-STAR. Cet équipement donne entière satisfaction dès sa première liaison radio (“contact” en jargon radio-amateur) réalisée le 3 janvier 2008. Fonctionnant avec l'indicatif ON0ULG, il a suscité beaucoup d’intérêt chez les étudiants et a fait naître des vocations de radio-amateurs. Pour obtenir la licence, il faut suivre des cours et passer un examen. C’est à ce prix que certains veulent être prêts à participer à l’odyssée OUFTI-1.
Un premier trio d’étudiants en électronique réalise son travail de fin d’études sur le concept OUFTI-1 de relais miniaturisé pour des liaisons D-STAR. Il est allé présenter le projet de nano-satellite au Centre européen de recherche et de technologie spatiales, l’ESTEC à Noordwijck (Pays-Bas). L’objectif était de décrocher une place gratuite pour un lancement sur la première fusée Vega de l’ESA. Stefania Galli (originaire de Milan, 3ème Ingénieur civil LTAS/Aérospatiale), Philippe Ledent (1er Master ingénieur civil EECS/Institut Montefiore) et Jonathan Pisane (3ème Ingénieur civil EECS) forment le premier team de pionniers «Cubesat» en Belgique. Ils sont assistés par deux doctorants Amadine Denis (LTAS) et Jean-François Vandenrijt (CSL/Centre Spatial de Liège).
Ce projet, d’un coût estimé entre 80.000 et 100.000 € (hors lancement), a pris forme dans le cadre de LEODIUM (Lancement En Orbite de Démonstrations Innovantes d'une Université Multidisciplinaire/Low Earth Orbit Demonstration of Innovation in University Mode). Ce programme fut initié en 2005 par le groupement Liège Espace, qui réunit des instituts de l’Université et des industriels de la région liégeoise, tous acteurs dans la technologie des systèmes spatiaux. Il est présidé par le professeur Pierre Rochus, responsable du département instrumentation spatiale au Centre Spatial de Liège (CSL).
Cap sur une « première » mondiale !
Le projet a pris vraiment forme le 18 septembre 2007 lors d'une conversation téléphonique : Luc Halbach suggéra au Professeur Jacques Verly l’idée de concevoir et développer à l’Université un Cubesat équipé de la nouvelle technologie D-STAR. Le protocole D-STAR de communications numériques pour radio-amateurs permet la transmission simultanée de la voix et des données numériques (GPS, fichiers, etc), le routage et le “ roaming ” au niveau mondial, y compris via internet. Actuellement ouvert à l'expérimentation, il permet de contacter, à partir de son véhicule, un radio-amateur circulant à New York ! Cette transmission de haute qualité n’est possible que si le radio-amateur est en vue d’un relais D-STAR ou est connecté au web. Mais dans les zones difficiles d’accès ou isolées à la suite d’une catastrophe, un satellite bon marché qui relaie les communications numériques va se révéler d’une utilité cruciale. C’est ce qu’entend démontrer le nano-satellite de l’Université de Liège, et ce, à l’échelle mondiale.
La charge utile d’OUFTI-1 consistera en un relais micro-miniaturisé de télécommunications D-STAR, adapté pour l’espace et destiné à des tests sur orbite avec la communauté des radioamateurs. Sa station de contrôle ULg qui sera implantée sur le campus du Sart Tilman établira le lien vital entre le satellite et ses utilisateurs. Les radioamateurs du monde entier, grâce aux bandes de télécommunications spécifiques qui leur sont réservées, pourront aider les étudiants liégeois à suivre le fonctionnement d’OUFTI-1, pratiquement, en continu. En échange, ils auront accès au nano-satellite liégeois.
En quelques mois, ce projet OUFTI-1 a réussi à susciter un réel engouement. Autour du noyau initial, est en train de se former une équipe d’étudiants liégeois. Non seulement de l’Université, mais également de la Haute Ecole HEMES-Gramme (ingénieurs industriels polyvalents), de la Haute Ecole Rennequin Sualem/ISIL (Ingénieurs Industriels de Liège). Celle-ci s’est déjà illustrée dans le spatial, puisqu’elle a formé un ingénieur industriel qui, au Centre Spatial Guyanais, fut DDO (Directeur Des Opérations) pour des lancements d’Ariane 5.
C’est d’ailleurs de ce Centre que doit s’envoler le premier lanceur Vega durant l’année 2009 : sous sa coiffe, en plus d’un petit satellite italien de géodésie, il y aura une armada internationale de nano-satellites éducatifs. Ils sont neuf qui viennent d’être sélectionnés par le Département Education de l’ESA : ils seront réalisés par des institutions d’enseignement en Belgique (Liège), Espagne (Vigo), France (Montpellier), Italie (Rome, Trieste, Turin), Pologne (Varsovie), Roumanie (Bucarest), Suisse (Lausanne). La priorité a été données à des groupes d’étudiants qui font leurs débuts dans le développement de systèmes originaux pour l’espace.
Délicat rendez-vous avec Vega
Le choix d’OUFTI-1 pour partir sur le premier vol (qualification) de la fusée Vega - un lancement qui n’est pas sans risques – a de quoi encourager l’équipe liégeoise à aller de l’avant. Sans tarder, car le planning pour son premier « Cubesat » est très serré. Trois mois avant le lancement, c’est-à-dire en mai-juin 2009 d’après le calendrier actuel du programme Vega, il faut livrer à l’ESTEC le modèle de vol pour des tests de compatibilité avec le dispositif d’éjection sur orbite. Les neuf nano-satellites doivent être expédiés en Guyane dix semaines avant la date prévue du tir Vega.
Les Professeurs Kerschen et Verly sont conscients du défi qui attend les étudiants, confrontés à un planning serré. Après avoir défini, de façon détaillée, les spécifications du Cubesat, ils doivent s’organiser pour la réalisation d’un prototype, les essais des micro-systèmes de bord, la mise en œuvre d’une installation de contrôle au sol. Ils vont être confrontés aux problèmes des vibrations au lancement, de l’alimentation électrique du nano-satellite, de sa stabilisation passive en orbite et du déploiement de ses antennes. Ils auront bien besoin des compétences du Centre Spatial de Liège et de l’industrie wallonne des systèmes spatiaux. D’ores et déjà, l’Université de Liège a octroyé un financement de 50.000 euros à la réalisation d’OUFTI-1, véritable outil de pédagogie active, qui met en jeu les technologies de demain.
Pour gagner du temps, la Faculté des Sciences Appliquées a commandé le châssis Cubesat d’OUFTI-1 à la California Polytechnic University (San Luis Obispo) où a pris forme le concept du nano-satellite étudiant. La structure ultra-légère est, depuis plusieurs semaines, au S3L (Space Structures & Systems Laboratory) de la Faculté des Sciences Appliquées Maintenant, le groupe d’étudiants doit concevoir et développer son habillage intérieur, avec toute l’électronique nécessaire, pour en faire un relais miniaturisé de communications D-STAR. Mais l’enthousiasme est au rendez-vous. OUFTI-1 a bel et bien le vent en poupe ! Son team doit à présent bien manœuvrer pour maintenir le cap. Go to orbit !
OUFTI: Lectures utiles