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Surprise autour des aurores polaires de Jupiter
26/05/2008

Un spot secondaire était souvent visible par dessus cette traînée dans les précédentes observations de Hubble. Pour expliquer son origine physique, les chercheurs invoquaient la réflexion partielle des ondes responsables de la tache principale sur les bords du tore à cause de la différence de densité entre l’intérieur et l’extérieur du tore. Comme les ondes réfléchies parcourent une distance plus importante dans le tore, elles arrivent au pôle après l’onde directe. Cela qui expliquait pourquoi la tache secondaire était toujours observée en aval de la tache principale et donc par dessus la traînée.

Or, la grande campagne d’observation de Jupiter avec Hubble en 2007 a révélé qu’une faible tache pouvait aussi exister en amont de la tache principale. D’après le scénario précédent, c’est impossible car l’onde réfléchie ne peut pas arriver sur Jupiter avant l’onde directe. Bertrand Bonfond consacre ses recherches à comprendre l’empreinte aurorale d’Io sur Jupiter. Il a imaginé un nouveau scénario capable de rendre compte de la présence de cette dernière tantôt en amont, tantôt en aval de la tache principale. Ce scénario fait l’objet de la couverture de l’édition du 16 mars de la revue américaine Geophysical Research Letters***.

Pole sud Jupiter«J’ai tout d’abord remarqué que le spot en amont apparaissait dans un hémisphère, précisément quand un spot aval était présent dans l’hémisphère opposé , explique-t-il. Cela suggère l’existence d’une connexion magnétique directe entre les aurores du pôle nord et celles du pôle sud. Je me suis ensuite souvenu d’observations de la sonde Galileo fin des années 90, tombées depuis dans l’oubli : Galileo avait fait des rase-mottes d’Io révélant non seulement des vues impressionnantes de volcans, mais aussi l’existence d’électrons qui font des allers-retours d’un hémisphère à l’autre de Jupiter, sans forcément précipiter aux pôles. L’explication donnée à l’époque était que les ondes générées par Io accélèrent des électrons non seulement vers Jupiter, ce qui crée la tache principale, mais aussi dans l’autre direction, formant les faisceaux d’électrons observés. Or le faisceau d’électrons n’est pas perturbé lorsqu’il traverse le tore de plasma, contrairement aux ondes de plasma qui sont freinées par la densité du tore. J’ai donc supposé qu’une partie de ces électrons pouvait effectivement précipiter dans l’hémisphère opposé en créant une faible tache. Ainsi, si Io est au nord du tore, les ondes de plasma vont rapidement atteindre le pôle nord et former la tache aurorale principale, tandis que les ondes parties vers le sud seront freinées par leur traversée du tore. Résultat : le faisceau d’électrons partis du Nord arriveront au Sud avant les ondes de plasma. La faible tache crée par le faisceau d’électrons se formera donc en amont de la tache principale. Ce scénario explique aussi la tache aval que l’on voit au nord. Puisque la tache principale au sud se forme plus en aval que la tache nord, le faisceau d’électrons parti du sud crée une tache secondaire en aval de la tache principale au nord..» La position relative des taches principale et secondaire dépend de l’emplacement d’Io dans le tore de plasma. Ce scénario sera testé lors de nouvelles observations de Hubble, consacrées à des configurations non encore observées.

Bertrand Bonfond dénombre trois bonnes raisons de s’intéresser à l’étude de l’interaction électromagnétique entre Jupiter et son satellite Io : «Au niveau fondamental tout d’abord, il s’agit de comprendre le système jovien dont les lunes sont aussi surprenantes que fascinantes. Ensuite, l’interaction en Io et Jupiter est le meilleur cas astronomique d’interaction entre un corps conducteur et un corps possédant un puissant champ magnétique. C’est donc un cas typique dont la physique pourra ensuite s’appliquer à d’autres systèmes astronomiques du même type, mais plus difficilement observables. Cela peut être le cas d’une exoplanète autour de son étoile ou de systèmes binaires de naines blanches. Enfin, il y a un intérêt certain à connaître précisément le comportement de la magnétosphère terrestre car les phénomènes qui s’y passent influencent la vie de tous les jours (satellites de télécommunication et de navigation, réseaux de courants électriques, etc.). Comparer les mécanismes de formation d’aurores sur différentes planètes permet de modéliser un phénomène marginal sur Terre, donc difficile à mesurer, grâce à son observation dans de meilleures conditions ailleurs.»

*** Bonfond B., J.-C. Gérard , D. Grodent, and J. Saur (2007), "Ultraviolet Io footprint short timescale dynamics", Geophysical Research Letters, 34, doi:10.1029/2006GL28765 Lire un extrait

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