Le 5 décembre dernier, la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles organisait une journée d'études sur le thème Les Wallons à Versailles. Le livre qui vient de paraître à La Renaissance du Livre regroupe les communications scientifiques du colloque, dont bon nombre sont dues à des chercheurs de l'ULg. Il présente ainsi un panorama inédit de la présence wallonne à Versailles (et Paris) sous les règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI essentiellement. Une présence qui n'est pas qu'artistique: artisans, diplomates, ingénieurs, militaires ont aussi leur place dans ce courant puissant qui unit la Wallonie (et singulièrement la Principauté de Liège) à sa puissante voisine.
Des relations mouvementées
L’ouvrage est divisé en quatre grandes parties : une mise en perspective historique, les techniques, les arts et les marbres. Chargé de cours à l'Université, Bruno Demoulin introduit le lecteur aux relations entre la France et la Wallonie. «Un long fleuve tumultueux», prévient-il d'emblée. Et de distinguer tout aussi immédiatement les relations que la France entretenait avec la Principauté et celles qu'elle avait avec les provinces romanes des Pays-Bas espagnols puis autrichiens. Une distinction qui va d'ailleurs se retrouver à plusieurs reprises tout au long de l'ouvrage. C'est que, en effet, les relations Liège-France sont moins compliquées (même si parfois elles sont tragiques) que celles qu'entretient le Royaume avec les provinces romanes des Pays-Bas, terres de conquête. Ce qui oblige l’auteur à aborder aussi les relations qu’entretiennent entre elles les deux grandes parties de la Wallonie. Des relations «marquées par la méfiance tout au long du XVIIIe siècle, héritières de l’hostilité séculaire remontant au Moyen Age». Il faut dire que les Liégeois vont souvent jouer Versailles contre Bruxelles et Vienne.
Si ces relations ont souvent été ponctuées par des mouvements de troupes, il ne faut pas voir dans ce dernier mot ce qu'on y voit aujourd'hui. C'est le grand mérite du professeur Francis Balace de le rappeler dans sa communication intitulée Des «wallons» sous le lys. Sous l'Ancien Régime, et particulièrement dans le domaine militaire, le mot wallon n'est en rien lié à la langue ni même à un terroir limité aux provinces romanes des Pays-Bas et à la Principauté. Les régiments "wallons" sont ceux qui sont levés dans l'ensemble des Pays-Bas espagnols d'abord, autrichiens ensuite (donc aussi les régiments «flamands» !). Et souvent, l'appellation demeure, même après un changement de frontière: c'est le cas par exemple des régiments levés par la France à Lille lorsque cette ville aura rejoint la couronne. Les Liégeois, eux, ne sont jamais mentionnés comme "wallons". Quant à la motivation de ces troupes, Francis Balace en précise bien le cadre: «"Servir" est un métier comme un autre, rappelle-t-il, avec d'une part un patron, de l'autre un "employé". Il suppose que l'on respecte les règles élémentaires d'un "contrat", en l'espèce ne pas trahir ou passer à l'ennemi sur le champ de bataille, ne pas déserter.» Mais si le contrat est rompu par l'employeur (reddition, non paiement de la solde par exemple), le soldat se mettra vite au service du plus fort dans l'espoir de pouvoir continuer à exercer son métier. C’est même une évidence pour les officier pour qui changer de drapeau –parfois avec tout leur régiment- est un moyen de gonfler un CV, comme on dirait aujourd’hui, peu importe que les faits d’armes aient été commis contre celui auprès duquel on postule! Et Francis Balace de rappeler par exemple la carrière de Blaise-Henri De Corte, baron de Waleffe-Saint-Pierre, qui servit sous une dizaine de drapeaux au moins : «De nos jours, précise Balace, une telle carrière aurait été interrompue rapidement par un peloton d’exécution…».