Des voix dans l'océan

Les poissons communiquent entre eux de différentes manières. Depuis Aristote, on sait qu'ils émettent des sons. Contrairement à ce qu'on observe chez les autres vertébrés, les mécanismes mis en jeu se caractérisent par leur diversité. Ils sont de deux grands types. Le premier consiste en la production de sons dits de stridulation. Ceux-ci résultent de la friction de deux parties dures du corps. Par exemple, le frottement de l'articulation de la nageoire pectorale sur la ceinture scapulaire ou celui des dents pharyngiennes les unes contre les autres.

La deuxième catégorie de mécanismes producteurs de sons implique la vessie natatoire, diverticule du tube digestif formant une poche d'air localisée sous les vertèbres de la cavité abdominale. Cette vessie permet au poisson, plus lourd que l'eau en raison de la densité de son squelette, de se maintenir entre deux eaux sans dépense excessive d’énergie. Mais elle est également utilisée par diverses espèces pour générer du son. Un cas bien connu est celui de l'anguille, qui rote en période de reproduction afin d'attirer les femelles. Le poisson contracte les muscles situés au niveau de la cavité abdominale et l'air, véhiculé dans l'œsophage par un petit canal pneumatique, est expulsé vers l'extérieur par la bouche. Chez le hareng, par contre, l'expulsion de l'air se fait par l'anus. L'équipe de Wilson, de la University of British Columbia, a montré qu'il s'agissait bien d'un acte de communication et non d'une tendance prononcée à la flatulence!

Un second mécanisme mettant à contribution la vessie natatoire se réalise par des muscles entourant entièrement celle-ci. Leurs contractions provoquent des variations de pression dans l'organe, lesquelles sont à l'origine du son produit. Toutefois, la vessie a peu ou prou de capacité de résonance. Aussi a-t-on pu établir que la fréquence principale d'émission du son correspondait à la fréquence de contraction du muscle, soit 300 à 500 hertz chez le poisson-crapaud (Opsanus tau) ! Pour sa part, le Laboratoire de Morphologie Fonctionnelle et Évolutive de l'ULg a découvert que l'aurin (Carapidae) émettait, par le biais d'un mécanisme complexe, des sons à partir de contractions lentes (fréquence de 1 à 5 hertz) des muscles en relation avec la vessie natatoire.

Quant au mode de production qui vient d'être découvert à l'Université de Liège, il ne peut être considéré comme un mode général puisque présent chez un seul groupe de poissons, mais plutôt comme une variante du premier mécanisme.