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Spoutnik, premier satellite artificiel
Par Théo Pirard C’est ainsi que, dans la nuit du 4 au 5 octobre 1957, un engin, alors mystérieux, est lancé d’un coin tout aussi mystérieux d’Asie Centrale. Ce n'est en effet qu’en 1961 que le cosmodrome de Baïkonour, près de la cité de Leninsk-Tiouratam, dans la steppe du Kazakhstan sera révélé au public. L'engin lancé il y a cinquante ans est le premier satellite artificiel, appelé Spoutnik-1. Ce terme russe signifie «compagnon de route» : à l’instar de la Lune, ce premier satellite accompagnait notre planète dans sa course autour du Soleil. Trois mois de vieSpoutnik-1 est mis sur orbite par une fusée Semiorka, dont c'est alors le cinquième vol, les deux précédents ayant été des réussites, mais dans la version de missile intercontinental R7. D’une masse de 280 tonnes au décollage - les 9/10 représentent les propergols, à savoir du kérosène et de l’oxygène liquide – elle communique au satellite PS-1 la vitesse d’environ 28.000 km à l’heure (7,8 km/s). Et ce, au terme d’un vol propulsé de cinq minutes à peine, en maintenant bien le cap sur l’espace ! Son étage central, en éjectant la coiffe, libère une sphère de 0,58 m en acier aluminium, pressurisée à l’azote et hérissée de quatre longues antennes: le premier Spoutnik! Cette boule brillante pèse 83,6 kg, dont les 2/3 sont constitués de trois batteries argent-zinc. Placé sur orbite terrestre entre 228 et 950 km d’altitude, le satellite évolue en « chute » libre : il « tombe » en faisant des tours du monde… Spoutnik-1 a ainsi tourné pendant trois mois jusqu’à se consumer dans l’atmosphère le 4 janvier 1958. Il est entré dans l’Histoire comme le symbole du début de l’odyssée de l’espace. Sa réplique fut la vedette du pavillon de l’URSS, non loin de l’Atomium, à l’Expo 58 de Bruxelles. Pas visible mais audibleA Moscou, les maîtres du Kremlin avec, à leur tête, Nikita Khrouchtchev, Premier secrétaire du Parti communiste, ne s’attendaient pas à un succès dès le premier essai. Ils sont pris de court devant l’onde de choc du Spoutnik sur l’opinion mondiale. Ils comprennent cependant rapidement que le régime soviétique tient avec cette «première» cosmique une arme de propagande dans la guerre froide qui l’oppose aux Etats-Unis. Et les regards de scruter le ciel pour voir passer le «bébé-lune» : mais l’objet qui étincelle au soleil est l’étage de la Semiorka, long de 28 m. S'il est invisible, Spoutnik-1 se fait par contre entendre. Ses "bip-bip" stridents, diffusés par deux émetteurs dans les 20 et 40 MHz (15 et 7,5 m de longueur d’onde), ont pu être captés par les radio-amateurs du monde entier. Les données transmises par ce premier satellite sont les températures internes et externes à la sphère; elles ont servi à une analyse de la propagation des signaux dans l’ionosphère. Aboiements dans le cosmosL’équipe des ingénieurs et techniciens - russes et ukrainiens – qui ont réussi l’exploit de lancer le satellite n’est cependant pas au bout de ses surprises et de ses peines... D’abord, aux dires d’Oleg Ivanovsky, concepteur-adjoint de la mission Spoutnik - il est aujourd’hui âgé de 85 ans -, ces travailleurs de l’ombre se sont sentis gênés d’être, en quelque sorte, dépouillés de la confidentialité de leur œuvre : ce qui devait être un secret d’état au sein de l'appareil militaro-industriel se trouve à la une des médias du monde entier! Il n’est pas question de procéder à la récupération du passager de ce deuxième satellite. D'une masse de plus d’une demi-tonne, il est placé autour de la Terre le 3 novembre 1957. A son bord, une chienne de 6 kg, Laïka. Elle devait vivre une semaine. Mais, à cause de la chaleur étouffante de son habitacle non climatisé, elle succombe au bout d’une journée de vol. Retard américainFace aux performances spatiales de l’Empire soviétique, rendues possibles par la puissance de la fusée Semiorka, les Américains prennent peur. Ils sont conscients que Moscou dispose d’un missile intercontinental d'une portée de quelque 8.000 km, capable de frapper l’Amérique du Nord avec l’arme nucléaire. Leur fierté est mise à mal : on parle russe dans le Cosmos ! Washington tente de sauver l’honneur en décembre 1957 avec le lancement d’un micro-satellite de 1,5 kg, qui ressemble à un pamplemousse (d’où son surnom). Mais la petite fusée Vanguard de l’US Navy s’écrase à son décollage, très médiatisé, de Cape Canaveral. Les journaux titrent avec une ironie amère: flopnik ! kapoutnik ! L’humiliation est à son comble. Au prix du lingot d’or…L'exploration spatiale a donné ses lettres de noblesse aux fusées, héritières des V2 et autres missiles de destruction. Elles placent régulièrement autour de la Terre des satellites pour des missions scientifiques, les télécommunications, la télévision, la navigation, l'observation du globe... Ce sont elles qui permettent les vols spatiaux habités et qui expédient des sondes sur la Lune, les planètes Vénus et Mars, jusqu'aux confins du système solaire. Comme ces sondes interplanétaires Voyager qui, en route vers les étoiles, se trouvent à quelque 10 milliards de kilomètres de notre Terre...
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