Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Du bruit et de la gêne
02/08/2012

Toutefois, il est apparu rapidement aux chercheurs, notamment ceux du Centre de recherche sur l’espace sonore et l’environnement urbain (CRESSON) à Grenoble que ce sont les aspects négatifs qui prévalaient dans les discours des acteurs. «Les chercheurs du CRESSON ont donc développé des outils méthodologiques spécifiques destinés à susciter un discours sur cet objet peu verbalisé, qui ont permis la construction de notions théoriques propres à rendre compte de l’écoute ordinaire. Ils ont ainsi mis en évidence la contribution des sons à l’identité des lieux, et en retour, la pertinence du contexte social et culturel dans la lecture sonore des espaces.» Paul-Louis Colon a combiné l’accès par l’expérience ordinaire à l’accès par la gêne afin d’aborder le bruit et la gêne qu’il peut provoquer. Il a ainsi étudié la manière dont les facteurs se combinent et suscitent une sensation de gêne et comment la personne gênée va y remédier. Dans le cadre de son étude, il a effectué 25 entretiens approfondis réalisés le plus souvent au domicile des personnes, c’est-à-dire sur le lieu où se produisent principalement les nuisances. Ces entretiens ont été contextualisés par des observations de réunions, d’actions citoyennes, des discussions informelles et des documents produits par les acteurs. Alors que les études sur la gêne sont souvent ciblées sur une catégorie précise de sources sonores, l’analyse a comparé entre elles des situations de nuisances sonores très variées (trafic aérien, trafic routier, voisinage, activités récréatives, industries, etc.).

Emergence de la gêne

«Le bruit recouvre différents sens, poursuit Paul-Louis Colon. Il y a le son qui gêne, le son qui est objectivement fort, le son que produit une chose, etc. Tout peut être du bruit. Pour un même niveau acoustique, tout le monde ne ressent pas nécessairement une gêne. C’est un sentiment très subjectif mais ce n’est pas pour cela que c’est personnel. C’est subjectif dans le sens où cela mobilise l’individu ; ce n’est pas personnel, car des personnes différentes, dans des situations différentes, éprouvent la gêne selon des processus similaires. Or, cette dimension subjective est assez peu prise en compte. Dans de nombreux cas, on a une approche normative. En deçà de certaines normes, on considère ainsi qu’il n’y a pas de nuisance sonore. C’est le cœur de la problématique car cela n’empêche pas que si la gêne n’existe plus légalement, elle est toujours bien présente.» Nous évoluons en permanence dans un environnement sonore et la gêne apparaît lors d’une modification de l’attention portée à cet environnement. Encore que tous les phénomènes sonores qui se produisent ne provoquent pas nécessairement de gêne. Certains sont passagers, d’autres ne sont ressentis que parfois longtemps après qu’ils soient apparus. bruit villeCette identification a alors un effet de «révélation» comme l’illustre le cas de cette personne vivant seule dans une maison rurale et fort affectée par le bruit des avions. Elle déclare ainsi que le bruit n’a commencé à la gêner qu’à partir du moment où elle a pris conscience que c’était un problème alors que le bruit existait déjà avant. Le déclic s’est produit lorsqu’un ami lui a signalé qu’il passait un avion toutes les trois minutes au-dessus de sa terrasse. Dans un autre cas, une femme s’est rendu compte du bruit des avions qu’il y avait chez elle en visitant une nouvelle maison. Une fois qu’elles ont pris conscience de la gêne, les personnes vont chercher à identifier ce qui les dérange et qui varie souvent d’une personne à l’autre.

Page : précédente 1 2 3 suivante

 


© 2007 ULi�ge