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Méliès, le magicien du fantastique
19/07/2012

L’ancêtre du cartoon

« Les acteurs sont traités comme des figurines, des objets qu’il fallait travailler, manipuler. Les corps sont des matériaux à façonner », analyse le chercheur. Georges Méliès le disait lui-même : il ne choisissait pas ses comédiens pour leur capacité à exprimer leurs sentiments mais bien pour leurs performances physiques. Et puisque l’on est jamais aussi bien servi que par soi-même, il endossait régulièrement le premier rôle de ses courts-métrages. Il fut le premier à comprendre que l’acteur de cinéma devait développer un jeu spécifique. « Rien n’est plus mauvais que de le regarder [le spectateur] et de s’occuper de lui lorsque l’on joue, ce qui arrive inévitablement les premières fois, aux acteurs habitués à la scène et non au cinématographe », affirmait-il, ajoutant que le comédien se devait d’être « doué d’agilité, un acrobate, un sportif », plutôt qu’un penseur. 

Pourtant, malgré toutes les péripéties qu’ils semblent endurer, « ces corps n’ont pas du tout l’air de souffrir, remarque Dick Tomasovic. Il n’y a pas de psychologie des personnages. On retrouve vraiment la même logique que dans les cartoons. » Un peu comme lorsque Titi joue les pires tours à Grosminet. Ce dernier explose, brûle, chute, se fracasse la tête contre des troncs d’arbre, ramasse des coups de batte de base-ball… mais finit toujours par se remettre sur pied, sans jamais grimacer de douleur.

Ce « côté toon » présent dans l’œuvre de Méliès fait dire à Dick Tomasovic que ce dernier n’était pas seulement un magicien des images, mais aussi un « animateur. » « On retrouve chez lui les prémices d’une esthétique que l’on retrouvera plus tard dans le cinéma d’animation, estime-t-il. Sa manière de traiter les corps, de les animer en les faisant remuer curieusement ressemble d’ailleurs à la technique de la pixilation, qui consiste à "animer" des corps vivants ou des objets en les filmant image par image. »     

Le dernier des prestidigitateurs

Évidemment, le cinéaste n’oublie pas ses racines. Les figures fantastiques qu’il exploite à l’écran lui sont fortement inspirées par son passé de prestidigitateur. Comme lorsqu’il exerçait ses talents sur les planches du théâtre parisien Robert-Houdin, l’illusion d’optique et les trucages restent toujours présents. « Il réalise des films à "trucs", mais il va complètement modifier son rapport à la magie. L’illusion change de nature et se met au service de la narration. La prestidigitation pose un problème de crédibilité. Les gens se demandent : comment a-t-il fait ? Dans ses films, par contre, on ne se pose plus la question du "comment" mais bien du "pourquoi". Il s’agit toujours d’en mettre plein la vue, d’étonner, d’ébahir le spectateur, mais en le plongeant dans une histoire féérique, merveilleuse. »  

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