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Méliès, le magicien du fantastique
19/07/2012

Des corps malmenés

L’extase, ce mélange de contemplation et d’exaltation, ce sentiment capable de nous faire « rompre avec la commune mesure des choses », se retrouve pleinement dans la filmographie du cinéaste, selon le chercheur. Que ce soit sous l’aspect spirituel ou religieux, sexuel, ou purement physique (expérience physique extrême).

Et de citer un exemple, Éclipse du soleil en pleine lune (1907), qui résumerait à lui seul la plupart de ces manifestations extatiques. Dans ce film, comme le titre l’indique, les deux astres (le premier étant habité par un visage masculin, la seconde par des traits féminins) entament leur progression l’un vers l’autre et finissent par se superposer. La lune se met à réaliser des mimiques associables au plaisir (yeux levés au ciel, sourires, langue passée sur les lèvres, etc.) Un professeur, qui observe ce spectacle céleste du bout de son téléscope, finit par en perdre la raison, tant et si bien qu’il tombe par la fenêtre. Après sa chute, il entre dans une transe que ses élèves semblent avoir du mal à apaiser.

Mais le plus souvent, l’extase « mélièsienne » est fortement liée à la question de l’expérience physique. Éclatements, morcellements, disparitions, évanouissements, gesticulations, pétrifications, désintégrations, métamorphoses, transmutations, figements … Aucun supplice n’est épargné aux personnages présents dans la plupart de ses films.  Les corps sont malmenés, manipulés, instrumentalisés. « Dans tous les films fantastiques, l’une des thématiques essentielles est la métamorphose, décrit Dick Tomasovic. Une thématique que Méliès exploite complètement. Il a inventé un registre de jeu dénué de tout réalisme, très éloigné des conventions théâtrales. Les corps sont troublés, ils sortent de leurs limites. »

Dans Le voyage dans la lune (1902), sans doute son œuvre la plus connue, un savant s’attaque à des « guerriers lunaires » à coups de parapluie, les faisant éclater puis disparaître dans un nuage de fumée. Dans L’homme à la tête de caoutchouc (1901), le réalisateur  interprète un savant un peu fou qui entreprend de gonfler une tête armé d’un énorme soufflet. Il appelle son assistant, qui lui aussi veut tenter l’expérience, mais il y met trop d’ardeur et la tête finit par exploser. Enfin, dans Le cake-walk infernal (1903), dernier exemple parmi tant d’autres, les corps de deux diablotins, qui viennent de se battre en s’arrachant une cape qui prend feu, disparaissent subitement dans les flammes.

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