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Femmes de pouvoir
02/07/2012

Catherine-de-MedicisL'année suivante, face aux assauts de Louis II de Chalon, comte de Tonnerre, dans le duché de Bourgogne, Marguerite ordonne un renforcement des défenses et la fermeture des villes, rassemble les fonds en même temps que, mandatant systématiquement des chefs de guerre, elle organise une reconquête percutante des places fortes assiégées par Chalon. En 1417, elle assurera encore directement la protection des frontières du duché face aux assauts armagnacs, démontrant une fois de plus sa capacité à endosser parfaitement le rôle politique que l'on attendait d'elle, dans un contexte où, comme le rappelle Colette Beaune en conclusion du présent ouvrage, la multipolarité des États bourguignons imposait une certaine division du travail. « Marguerite de Bavière était une femme pétrie d'une certaine force de caractère, elle avait une poigne qui a aussitôt trouvé à s'exprimer dans l'influence politique réelle dont elle pouvait se prévaloir, bien au-delà du simple susurrement à l'oreille de l'époux », conclut Alain Marchandisse. « Jean Sans Peur n'aura d'ailleurs jamais eu, me semble-t-il, qu’à se féliciter d'avoir épousé Marguerite ».Soulignons cependant que le pouvoir féminin ne trouvait pas seulement à s'exprimer dans l'action politique, mais également dans l'art en tant que vecteur d’un message politique. L'illustration de la première de couverture de l'ouvrage concerné ici en atteste. L'épouse d'Édouard IV d'Angleterre, Élisabeth Woodville (1437-1492), s'y trouve ainsi représentée « en majesté » (voir illustration ci-contre), revêtue de tous les attributs symboliques du pouvoir — la couronne et le sceptre bien entendu, mais également le globe, le manteau bleu doublé d'hermine, recouvrant une robe rouge — alors même qu'elle ne fut jamais reine consorte ni reine régente, mais l'épouse d'un roi de plein exercice. « Les femmes de cour, qui sont potentiellement des femmes de pouvoir, ont de très grandes préoccupations artistiques. Celles-ci sont d'ailleurs très souvent des femmes cultivées, rappelle Jonathan Dumont. Elles rassemblent par exemple, comme leurs maris, des bibliothèques, et jouent un rôle prépondérant de mécènes, à l'instar d'une Marguerite d'Autriche (ndlr : gouvernante des Pays-Bas pour le compte de l’empereur Charles Quint), qui fait l'objet d'un chapitre de l'ouvrage. Mais surtout, l'art leur permet à la fois d'affirmer leur magnificence et de transmettre un message politique. Pouvoir et art sont consubstantiels, le premier étant servi par le second », explique l'historien.

Success stories, ou presque

Femmes de pouvoir, femmes politiques ne se résume pas, cependant, à une collection de success stories, même si, confessent Jonathan Dumont et Alain Marchandisse, les sources documentaires ont tendance à « faire mieux connaître les vainqueurs, à magnifier les histoires glorieuses tout en laissant dans l'ombre les carrières qui le sont beaucoup moins ». Sur les trente-sept trajectoires de femmes politiques abordées ici, dont certaines font figure de modèle — Jeanne d'Arc, qui a « fait un roi et fondé une nation », et Isabelle la Catholique, réputée pour « ses qualités d'homme dans le corps d'une femme », viennent évidemment à l'esprit et font ici chacune l'objet d'une contribution, sans qu'elles occultent pour autant l'épaisseur politique d'une Catherine de Médicis (1519-1589, régente de France pendant la minorité de son fils Charles IX) ou d'une Anne de Beaujeu —, sept sont des échecs plus ou moins retentissants, c'est-à-dire, si l'on suit l'avis de Colette Beaune, des cas d'impopularité ou d'impossibilité de conserver ou de transmettre le pouvoir. Au rang de ces femmes politiques tenues en échec, Isabeau de Bavière, Marguerite de Clisson (1372-1441, qui échoua à placer un de ses fils à la tête du duché de Bretagne), ou encore Jacqueline de Bavière (1401-1436).

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