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Femmes de pouvoir
02/07/2012

Mais, au-delà, il faut surtout retenir que ce sont souvent d'heureuses circonstances qui fondent le pouvoir de la femme : un vide se crée qu'une dame de cour vient combler. « De manière générale, les femmes émergent tout spécialement lorsqu’un pouvoir masculin disparaît : parce qu’il n’y a pas de frère aîné, parce que le prince est parti en croisade, ou encore parce que celui-ci est mineur ». Anne de Beaujeu (1461-1522), fille aînée du roi de France Louis XI, exerce ainsi une régence au bénéfice de son frère Charles VIII, alors mineur. Blanche de Castille (1188-1252) sera portée au pouvoir lorsqu'elle sera confrontée à la minorité de son fils (Louis IX, futur Saint Louis), puis à son départ en croisade. Isabeau de Bavière (1371-1435) règnera, elle, dès lors que son époux, le roi de France Charles VI, sera frappé, de façon périodique, par des crises de folie incapacitantes. Il s'agit le plus souvent, selon la formule de Colette Beaune (Université Paris Ouest Nanterre La Défense), d'un pouvoir « au nom de », de la même manière que le roi gouverne au nom de Dieu et que le chevalier brandit l'épée au nom du seigneur. « On trouve, au fil de l'ouvrage, bon nombre de personnages féminins dont le pouvoir trouve à s'exercer par délégation de jure (de droit) ou de facto (de fait)», explique Alain Marchandisse.

Marguerite de Bavière, une « poigne » 
au secours du duc de Bourgogne

Lequel consacre pour le coup un chapitre, en guise de « prolégomènes à une biographie à paraître », à Marguerite de Bavière (1363-1424), « duchesse de Bourgoigne, contesse de Flandres, d'Artoys et de Bourgoigne palatine, dame de Salins et de Malines » (sic), épouse de Jean Sans Peur, duc de Bourgogne. Celui-ci, tenu de se déplacer en personne dans ses principautés, avait estimé devoir incarner son autorité, là où il n’était pas présent lui-même, soit dans la personne de son fils aîné, Philippe de Charolais, futur Philippe Le Bon, soit dans celle de son épouse, Marguerite de Bavière, «représentante permanente, dans les principautés méridionales, d'un duc de Bourgogne constamment occupé ailleurs et, à ce titre, (…) en mesure d'exercer l'ensemble de ses pouvoirs », écrit Alain Marchandisse. Au registre de ces délégations, Marguerite de Bavière occupe une place intermédiaire dans le processus de développement du pouvoir féminin, à mi-chemin entre sa belle-mère Marguerite de Male, épouse de Philippe le Hardi, et la fameuse Isabelle de Portugal, épouse de Philippe le Bon, « qui, à certains moments, incarne une gouvernance très proche de celle d'une princesse consorte ». Qualifiée d' « affreuse chouette » en raison de son physique réputé peu avantageux, Marguerite de Bavière, bien qu'entourée d'un cercle de conseillers, n'en prend pas moins, « de maîtresse manière » selon l'auteur, un certain nombre de dispositions administratives et militaires qui, posées tantôt officiellement, tantôt tacitement, ne seront pas sans conséquences politiques, quoique toujours en cohérence avec la démarche politique menée par le duc. Marguerite de Baviere« À l'instar d'Isabelle de Portugal, Marguerite aime à clore ses mandements par l'expression 'car tel est mon bon plaisir', cette clause de plaisir (...) par laquelle la duchesse entend montrer qu'elle détient un pouvoir de commandement et la maîtrise personnelle de la décision ».

Ainsi, en 1410, lorsque, dans le Charolais, le duché de Bourgogne se voit forcé de défendre le comté face à ses ennemis, Marguerite ordonne qu'y soient envoyés au plus vite hommes et armes, tandis que, précise l'auteur, « tous les habitants de son bailliage gagnent les villes, châteaux et forteresses, avec leurs biens, (...) que les places-fortes soient armées, mises en défense, gardées, (...) que par ailleurs tous ceux qui seront affectés à la garde des villes et des forteresses prêtent un serment de fidélité à la cause ducale et que tous et chacun soient contraints à observer les injonctions de la duchesse » face à une situation qualifiée par cette dernière de « si grande et si perrilleuse qu'elle touche la vie, l'onneur, l'estat et la chevance [le bien, ndlr] de mondit seigneur et de sa lignye et la destruction perpetuelle de sesdiz païs et subgiez [sujets] ».

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