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Les Belges, champions du « noir »
21/06/2012

Pourquoi trichez-vous ?

fraude fiscaleQuels sont les facteurs qui déterminent le comportement frauduleux ? Le fait de connaître quelqu’un d’autre qui fraude semble avoir une influence significative sur son propre comportement. « Cela peut être un point de départ important pour la politique, à savoir casser cette spirale du ‘l’autre le fait bien aussi’ ou ‘tout le monde le fait’, donc ‘moi aussi’ », suggèrent les chercheurs.

Le fait d’être bénéficiaire d’une allocation sociale (chômage, retraite…) a un impact négatif sur la demande et sur l’offre de travail au noir. C’est l’inverse de ce qui est généralement attendu quant aux raisons attribuées au travail au noir, à savoir, surtout, une stratégie de survie pour les allocataires sociaux, afin de compléter leurs revenus modestes et/ou de consommer à moindre prix.

Les indépendants, quant à eux, semblent relativement plus demandeurs de travail au noir. En revanche, ils ne se presseraient pas particulièrement pour en proposer, et ne seraient pas non plus les champions toutes catégories de la fraude fiscale, contrairement aux opinions largement répandues à leur propos.

Interrogés sur les causes du travail au noir, les répondants mentionnent presque exclusivement la pression fiscale, et donc l’avantage de s’y soustraire. Quant aux mesures les plus efficaces pour lutter contre le travail non déclaré, ils accordent également de l’attention au facteur de contrôle, au risque d’être pris et aux sanctions qui en découlent. Les décideurs politiques peuvent en déduire qu’il ne faut pas tout attendre de la seule réduction de la pression fiscale, mais que la population s’attend aussi à c e qu’il existe un système de contrôle adéquat.

« Tuer » le noir : risqué ?

Parmi les observations marquantes ou étonnantes apparues au terme de cette enquête, on relèvera par exemple qu’en Flandre, il est relativement plus souvent mentionné que le travail au noir émane des entreprises, tandis que les répondants francophones parlent davantage du circuit informel des amis, des collègues, des connaissances et de la famille. Un autre élément mérite l’attention des autorités qui souhaitent lutter contre la fraude mais se voient objecter, parfois, que de nombreuses activités disparaîtraient si l’on « tuait » le travail au noir : les deux tiers des répondants auraient acheté le bien ou le service sur le marché régulier si c’était le seul endroit où il était proposé, tandis qu’un quart de l’échantillon aurait recours au  bricolage.

A la question de savoir ce qui inciterait le répondant à acquérir les produits ou services dans le circuit officiel, la moitié répond qu’ils se laisseraient convaincre par les garanties contre les défauts et les vices : voilà un point de départ possible d’une campagne contre le « noir », pensent les chercheurs. Les réponses des allocataires sociaux sur le caractère « adéquat » de leur allocation donnent l’image d’un « Etat providence sous pression » : 58% des bénéficiaires d’un revenu de remplacement le trouvent trop faible ou beaucoup trop faible, et 35% l’estiment « juste suffisant » par rapport à leur revenu antérieur. Mais cela n’incite pas ces répondants à travailler ou consommer au noir davantage que les autres.

Sur la base des résultats fournis par cette étude pilote, les chercheurs estiment que le moment est venu de mener une enquête à plus large échelle, auprès d’un échantillon suffisamment large pour être vraiment représentatif de la population. Ils admettent que la méthode qu’ils proposent est coûteuse en temps et en argent. Ils ajoutent cependant que, si une telle enquête doit être réalisée à intervalles réguliers, elle ne doit certainement pas être annuelle. L’investissement serait donc assorti d’une certaine durabilité. De quoi convaincre les pouvoirs publics ?    

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