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Les Belges, champions du « noir »
21/06/2012

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Cette enquête-ci,  prévue à l’origine pour 4500 répondants, est donc restée limitée à un échantillon de 246 personnes. Malgré cette limitation, disent les chercheurs, le contenu et la qualité de l’instrument de recherche ne fait aucun doute. Ils ont donc traité cette enquête avec les réserves qu’imposent l’échantillon réduit, mais cela ne les a pas empêchés de formuler certaines observations éclairantes dans le cadre de la lutte contre la fraude.

L’étude a été lancée sous l’acronyme « SUBLEC » pour « Survey on the black economy », enquête sur l’économie souterraine. Elle ne se limite pas au travail au noir et à la fraude aux contributions (cotisations) sociales, mais couvre également la fraude aux allocations et à toutes les formes possibles de fraude sociale. Elle a pour objectif d’informer les responsables politiques de l’ampleur de la fraude et de formuler des recommandations en vue d’améliorer la lutte contre les phénomènes étudiés.

La méthode retenue a été celle de l’interview orale approfondie, en face-à-face et dans les deux grandes langues nationales, sur la base d’un échantillon structuré constitué parmi la population belge de 18 à 75 ans, répertoriée au sein des divers parastataux de la sécurité sociale. L’échantillon a été constitué par la Banque Carrefour de la sécurité sociale (BCSS), qui l’a ventilé en 17 catégories représentatives de la population globale (actifs, non actifs, salariés du secteur privé ou du secteur public, indépendants, divers allocataires sociaux, etc.). Les personnes sélectionnées devaient être contactées par écrit via la BCSS, afin de demander leur accord de participation à l’enquête. Et seules les personnes ayant donné une réponse positive pouvaient être contactées par les enquêteurs. Cette restriction peut évidemment produire des distorsions dans les réponses obtenues, en raison du caractère indiscret et « délicat » des questions posées. En fin de compte, les chercheurs ont pu travailler avec un groupe de réponse net de 246 personnes, ce qui correspond à une bonne étude pilote. La participation présente déjà une certaine sélectivité de réponse. Les indépendants, les chômeurs et les personnes au foyer ont moins participé, tandis que les pensionnés, les personnes actives dans l’horeca, l’administration publique, l’enseignement et les soins de santé ont répondu proportionnellement davantage.

Quatre Belges sur dix achètent au noir

Les résultats de l’enquête indiquent que 38,8% de la population belge ont acheté un bien (produit) ou un service (nettoyage, plomberie, jardinage…) au noir pendant les douze mois qui ont précédé la collecte d’informations, à l’été 2010. Ce pourcentage est bien plus élevé que celui fourni par l’Eurobaromètre pour la Belgique, et il est également supérieur aux chiffres européens. L’ampleur des achats de biens et services au noir est également considérable : le montant moyen de la plus grande dépense est de 1 553 €, alors que l’Eurobaromètre n’indiquait que 1 050 € pour la Belgique et 1 028 € pour la moyenne de l’Europe à 27 (EU27).

Mais ce n’est pas tout : dans cette étude, l’offre de travail au noir est également nettement supérieure à ce qu’indique l’Eurobaromètre. Pas moins de 14,1% des répondants ont en effet admis avoir travaillé au noir, contre seulement 6% des Belges dans l’Eurobaromètre et 5% de la population dans l’EU27.

Si on le multiplie par le montant moyen, le pourcentage de la population qui achète ou offre des biens ou des services au noir donne un volume moyen de la fraude par personne, et peut être exprimé par rapport au PIB. Les chiffres de l’étude donnent 1,9% du PIB comme montant moyen  consacré à l’acquisition de biens et services en noir, et ils établissent à 0,6% du PIB la valeur globale du travail effectué au noir. Normalement, ces deux chiffres devraient être identiques, puisque l’offre répond à la demande. Mais les deux démarches ne sont sans doute pas considérées comme aussi avouables ! Manifestement, les Belges admettent plus facilement avoir acheté au noir que d’avoir, eux-mêmes, travaillé en noir. Cette dernière réalité est donc certainement sous-évaluée.

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