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Harcèlement au travail : n’oubliez pas l'entourage !
26/06/2012

En fonction de ces éléments, selon la gravité de la situation, la médiation, la conciliation ou l’arbitrage gagneront parfois être encouragés. Un travail avec le management sur l’organisation et les relations de travail paraîtra peut-être utile également. Enfin, dans certains cas, c’est en agissant sur la dynamique de groupe, entre collègues, que des solutions se dessineront peut-être…

Ceux qui disent « non »

Un des autres intérêts de cet article consiste à souligner l’interaction entre le harcèlement et l’environnement de travail. « Face à un engrenage qui mène au harcèlement, les collègues peuvent être muets, encourager l’agression ou dire non. Il en va de même pour la hiérarchie, qui détient le pouvoir de laisser faire ou de mettre le holà. L’article montre – et cet élément est important pour toutes les situations de harcèlement au travail- que l’environnement peut être un frein et éviter les dérapages».

 « Dans l’idéal, il s’agit d’intervenir avant que la victime aille trop mal, rappelle la psychologue. Le groupe peut y aider. Dans les entreprises, certaines personnes osent se lever contre des cas de harcèlement. Mais il n’est pas toujours facile de s’opposer à un harceleur et cela ne suffit pas toujours à briser l’engrenage du mécanisme en jeu. De plus, il arrive que ceux qui ont osé dire non soient ensuite, à leur tour, harcelés », prévient-elle. 

Retournements de situation

Jusqu’à présent, peu d’études s’étaient intéressées à l’impact de la réaction d’un groupe  sur le harceleur (ou à celle de la dynamique managériale). Voilà chose faite. Par ailleurs, habituellement, la littérature insiste sur le déséquilibre de la balance des ressources entre le harceleur et la personne harcelée. Ici, l’analyse multi-perspective et multi-temporelle a permis de mettre en évidence le pouvoir que les deux protagonistes avaient gardé, la valeur qui y est accordée et son évolution positive ou négative dans le temps (pour l’un, ses compétences, pour l’autre, ses habilités sociales). Mais le Pr Blavier remarque que, paradoxalement, les grandes compétences de Xavier, tout comme sa personnalité, ont fini par le rendre vulnérable. Elles ont mené à son isolement et brisé l’impunité dont il avait joui auparavant.

L’article relève aussi un autre résultat « piquant » : suite à la plainte déposée par Anne, des valeurs considérées auparavant comme des qualités de travail (le professionnalisme, la rationalité de Xavier) ont commencé à être vues comme des fautes ou à être dévaluées, y compris par la direction. Parallèlement, d’autres qualités, comme la sensibilité (celle D’Anne), ont gagné en considération. Cela explique en partie pourquoi des comportements, un temps toléré chez Xavier, ont ensuite été à la source de « sanctions » le concernant. Et pourquoi le processus social à l’œuvre autour des protagonistes a évolué, entraînant, à terme, une modification de la relation entre Anne et Xavier.

Agir, avant qu’il ne soit trop tard…

Après une telle étude, le modèle liégeois ne va pas en rester là : légèrement amendé sur certains points grâce à ce travail, il va être appliqué à d’autres situations de harcèlement en entreprise et en milieu scolaire par exemple. A la clé : de nouvelles connaissances sur le phénomène du harcèlement, une meilleure compréhension des liens entre les comportements du harceleur, l’attitude de la victime et le rôle du management. « Grâce à l’analyse des comportements proposés par  le modèle liégeois, il pourrait devenir également un outil de prévention du harcèlement, estime la psychologue. Dans cette optique, il pourrait être vraiment utile aux personnes relai (les personnes de confiance, les conseillers en prévention, sinon les médecins du travail), qui ont déjà une connaissance du climat de travail de l’entreprise concernée. »

Harcelement-4En tout cas, fondamentalement, « en sortant du cadre bourreau-victime, le modèle appliqué dans cet article permet de rappeler que le discours des deux personnes concernées ne suffit pas et qu’il s’agit de prendre en compte tout un système, de voir comment il permet de maintenir un cas de harcèlement ou comment il peut le faire évoluer, sous l’influence de collègue et/ou de la hiérarchie », conclut la psychologue.

En attendant que cette méthode systémique fasse son entrée dans les entreprises,  Adélaïde Blavier n’oublie pas que les victimes continuent à payer un prix très lourd au harcèlement : « Chez elles, les blessures sont profondes, vivaces. Les doutes en leur compétence et les fractures en leur propre confiance les écartent souvent durablement du monde du travail ». L’article ne le dit pas mais, dans la « pièce » où jouaient Xavier et Anne, cela n’a pas été le cas. C’est Xavier qui ne travaille plus dans cette entreprise.

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