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Harcèlement au travail : n’oubliez pas l'entourage !
26/06/2012

Longtemps, dans les cas de harcèlement moral au travail, on s’est surtout intéressé à la victime ou, plus récemment, au couple victime-harceleur. L’étude réalisée par Adélaïde Blavier et Daniel Faulx sort de ce sentier battu : grâce un à nouveau modèle d’analyse, ils passent au crible le contexte, décrit par les témoignages des collègues et du management. Or cela change tout…


Xavier : - Je suis par-dessus-tout un professionnel. Les relations humaines sont secondaires.
Anne :-Il me disait tout le temps que j’étais nulle.
John (en sourdine): -Pour lui, ce qui compte, c’est le boulot. Pour elle, les relations humaines.

Harcelement-2Il suffit d’un petit effort d’imagination pour transformer l’article publié par Daniel Faulx et Adélaïde Blavier, psychologues et Professeurs à l’Université de Liège (1), en une pièce de théâtre, ou presque. Les dialogues et l’intrigue sont prenants, les héros, aussi : Xavier et Anne, entourés ici par d’importants acteurs secondaires. Dans un spectacle classique, ces seconds rôles feraient les chœurs. Ils viendraient régulièrement réciter ce que les acteurs principaux ne disent pas, ne soupçonnent pas, ne savent pas, ne captent pas. Mais le plus étonnant, c’est que les Pr Adélaïde Blavier et Daniel Faulx ne nous proposent pas une fiction. Xavier et Anne existent (même s’il s’agit, ici, de « noms de scène »). Ils sont les protagonistes d’une situation de harcèlement au travail. Un drame qui rejoint de nombreuses réalités vécues dans le monde du travail…

Pour plonger dans l’histoire de Xavier et d’Anne,  les psychologues ont suivi une grille d’analyse originale : le modèle liégeois. Conçu par le professeur Daniel Faulx (2), il repose sur un principe novateur. L’un de ses fondements ? Décrypter le harcèlement moral au travail sans se focaliser uniquement sur la victime ou sur le couple bourreau-victime. Au programme : une approche globale, systémique. Tour à tour, les collègues, le chef de service et les membres de la hiérarchie concernés sont  interrogés et entendus. « Le défi consiste à comprendre la complexité de ce qui s’est passé, à considérer et à intégrer des angles d’analyse multiples et des points de vue diversifiés sur une même situation », précise Adélaïde Blavier. Bien peu d’études ont proposé le point de vue de l’agresseur présumé et, moins encore, celui de leurs collègues. Pourtant, cette nouvelle manière d’approcher le harcèlement et sa dynamique change en partie la vision que l’on en a. De plus, elle ouvre des portes vers de nouvelles possibilités de diagnostic, de prévention et de prise en charge.

Des formes diverses de harcèlements

Depuis que Marie-France Hirigoyen (3) a « popularisé » la notion de harcèlement moral, une quantité impressionnante d’études – et des lois- lui ont été consacrées. Les harcèlements au travail – un phénomène qui n’augmenterait ni ne diminuerait ces dernières années- en font partie. Pour ceux qui en doutaient, l’étude d’Adélaïde Blavier et Daniel Faulx confirme leur complexité et leur diversité.

Au sein d’une organisation, le harcèlement au travail recouvre des agressions, directes ou plus subtiles – mais sans caractère sexuel-, entre collèges, supérieurs hiérarchiques et/ou subordonnés. Certes, certaines fonctions dans l’entreprise semblent davantage se prêter à l’exercice du harcèlement. Mais gare aux apparences ! Le harcèlement se produit aussi au sein d’un même service, entre des collègues de même rang ou de fonctions identiques. De même, un « ancien » peut harceler un « petit jeune ». Ou, au contraire, un « petit nouveau » s’en prendre à un employé expérimenté. Ou viser un membre de la hiérarchie…

Tous les harcèlements au travail comportent en commun des comportements hostiles répétés de la part d’une personne envers une autre, avec des conséquences blessantes pour la personne visée. « Le phénomène de harcèlement débute généralement de manière insidieuse et progressive. En tout cas – point important-, il s’agit d’un processus dynamique et il va en s’aggravant », rappelle le Professeur Blavier.

(1) Développement d’un modèle multi-niveaux, multi-points de vue et multi-temporel pour l’étude du harcèlement moral au travail. Etude de cas.
(2) Faulx, D., & Detroz, P. (2009). Harcèlement psychologique au travail : processus relationnels et profils de victimes. Approche processuelle, intégrative et dynamique d’un phénomène complexe. Le Travail Humain, 72(2), 155-184.
(3) Le harcèlement moral, la violence au quotidien. Syros, 1998.

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