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Posidonies sous surveillance
07/06/2012

Alberto Borges et Willy Champenois viennent de publier des résultats inédits (1) sur l'activité des herbiers de posidonies (posidonia oceanica) réputés pour leur capacité à piéger le dioxyde de carbone. A partir de mesures effectuées entre 2006 et 2009 depuis la station de recherche de l'Université de Liège à Calvi (STARESO, Corse), ils livrent, au terme d'un monitoring sans précédent du fait de sa durée, de sa fréquence et de sa précision, des analyses destinées à mieux anticiper comment ces communautés marines pourraient réagir aux changements climatiques à venir.

posidonies1On sait que les herbiers de posidonies, une variété d'herbiers marins que l'on trouve le long des côtes méditerranéennes, ont cette discrète particularité de réaliser depuis des millénaires un stockage massif de dioxyde de carbone (CO2) dans l'écosystème aquatique (lire l'article Les vigies de l'environnement côtier). « Ces herbiers stockent environ 140 grammes de carbone par an et par mètre carré », indique Alberto V. Borges, responsable de l'Unité d'Océanographie Chimique de l'Université de Liège, un laboratoire qui a fait sa spécialité de l'étude des flux de dioxyde de carbone entre les systèmes aquatiques et l'atmosphère. « En guise de comparaison, rappelons que les forêts tropicales ou tempérées emmagasinent seulement 4 à 5 gr par m2 par an. Même si l’on estime que les herbiers de posidonies ne recouvrent que moins de 2 % de la surface totale de la Méditerranée, et moins de 0,3 % des océans à l'échelle du globe, on peut donc dire que leur pouvoir de stockage du carbone est important, sans doute équivalent à celui des forêts, pourtant bien plus étendues ».

Dégradation

Dans le contexte du réchauffement climatique, ces herbiers de posidonies sont intéressants à un second titre: ces piégeurs sous-marins de carbone sont en train de disparaître à un rythme effréné. Pour l’ensemble des herbiers dans le monde, les pertes observées au cours des 30 dernières années s'élevant à quelque 30 % de la surface totale occupée par ces herbiers. « La superficie des herbiers de posidonies diminue de actuellement de 7% par an, s’étant accéléré depuis les années 90. Une cadence alarmante, d'autant plus que ces herbiers sont le lieu d'une biodiversité très riche qui, par ailleurs, fait d'eux des lieux très prisés par les plongeurs de plaisance», poursuit Alberto Borges. A l'origine de cette dégradation: l'activité humaine. Constructions, site d'ancrage, passages de voiliers, mais aussi rejets urbains ou développement accru d'algues phytoplanctoniques (des algues microscopiques dont le développement est accru par la pollution urbaine et qui, en s'accumulant en surface, atténuent la lumière dont les herbiers marins, comme toutes les plantes, ont besoin pour survivre). « En Méditerranée, ces herbiers, faute de lumière, ne poussent plus au-delà de 40 mètres de profondeur. Cette proximité côtière les rend donc vulnérables aux dégradations. Leur reproduction étant très lente — à peine moins de 10 cm par an en extension horizontale —, toute perte dont l'herbier fait l'objet a des conséquences importantes puisqu'il ne pourra pas être recolonisé avant longtemps ». Si ces écosystèmes singuliers venaient à disparaître, ils ne seraient plus en mesure de stocker du carbone et participeraient donc de ce fait au réchauffement climatique. Il y a donc tout lieu de les préserver, autant que les forêts tropicales. Dans cette perspective, les études menées notamment par Alberto Borges sur ces herbiers prennent tout leur sens: étudier ces herbiers, c'est non seulement évaluer l'importance des pertes subies, mais, en cernant mieux les facteurs qui influencent la dynamique du stockage de carbone réalisé par ces écosystèmes, c'est également poser un jalon en vue de leur conservation, sinon même de leur restauration.

(1) Seasonal and interannual variations of community metabolism rates of a Posidonia oceanica seagrass meadow. Champenois, Willy; Borges, Alberto V. in Limnology & Oceanography (2012), 57(1), 347-361

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