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La Belgique neutre, barrière ou voie de traverse ?
14/06/2012

« Cette image du plan allemand, fait remarquer Christophe Bechet, est caricaturale. Elle résulte de l’amalgame, en un bloc monolithique, des multiples plans de Schlieffen et de son successeur Moltke le Jeune, sans tenir compte de leurs spécificités respectives. S’il est indéniable que la tenaille franco-russe obsède le chef d’Etat-major allemand depuis 1893, le Denkschrift de Schlieffen de l’hiver 1905/1906 est un plan d’attaque contre la France uniquement. Le danger russe n’y est pas pris en compte car l’armée du Tsar vient de subir une défaite cuisante face au Japon et n’est plus guère en mesure de menacer l’Allemagne sur sa frontière orientale. Qui plus est, renchérit l’historien, la question de savoir si ce Denkschrift est un authentique plan de guerre ou un simple travail de réflexion, est aujourd’hui passionnément discutée au sein de la communauté historique. »

Quoi qu’il en soit, conclut Christophe Bechet dans sa thèse, en se fondant sur l’analyse des jeux de guerre allemands et autres documents récemment découverts au Bundesarchiv-militärarchiv  à Fribourg im Breisgau, on peut affirmer que la date de 1905 correspond bien à un tournant dans la pensée stratégique de Schlieffen. A partir de cette année-clef, la traversée de la Belgique est assumée comme un fait quasi inéluctable en cas de guerre contre la France, laquelle, dans le futur, sera vraisemblablement soutenue par l’armée russe restaurée et peut-être un corps expéditionnaire anglais. Notons toutefois que la question de savoir qui de l’armée allemande ou de l’armée française franchira la frontière belge en premier n’est pas tranchée pour autant.

rails2Comme il est d’usage au sein des Etats-majors européens, les officiers allemands qui assistent Schlieffen et Moltke le Jeune, anticipent la guerre à venir avec une « ferveur mathématique ». A partir de 1905, ils comptabilisent par exemple tous les itinéraires possibles en Belgique. Une série de calculs compliqués détermine aussi l’acheminement des troupes par chemin de fer vers la rive gauche de la Meuse.

 A ce propos, la construction dès 1905 de la ligne Remagen-Malmédy, traversant l’Eifel d’est en ouest est  riche d’enseignements sur les rapports ambigus qui peuvent exister entre les intérêts économiques et ceux des militaires. « La densification rapide du réseau ferroviaire dans l’ouest de l’Allemagne et à proximité de la Belgique, au cours des années 1905-1906, a permis à de nombreux historiens de démontrer a posteriori les intentions belliqueuses du Reich. Mais je pense qu’il faut éviter ce raccourci », insiste Christophe Bechet. « La concentration de troupes allemandes le long de la frontière belge pouvait aussi se concevoir dans la perspective d’une contre-offensive, en cas d’attaque française par le Luxembourg et les Ardennes belges ».

Le 4 août 1914, après avoir vainement demandé un droit de passage à la Belgique, Guillaume II lance ses troupes massées à la frontière belge à l’assaut des armées françaises qu’il pressent sur le point d’attaquer. Notre neutralité est violée. L’armée belge part au combat. Mais la guerre ne sera ni fraîche, ni joyeuse. Et encore moins de courte durée.

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