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La Belgique neutre, barrière ou voie de traverse ?
14/06/2012

Vers la Grande guerre

Quoi qu’il en soit, nul ne peut désormais négliger dès cette époque l’incidence de l’implantation des chemins de fer, en cas de guerre, dans les zones frontalières communes. Elle est bel et bien devenue cruciale pour déterminer les variantes potentielles du plan de mobilisation puis de ravitaillement des troupes belligérantes. L’intérêt accordé au réseau belge par les stratèges allemands et français dans les années qui suivent la guerre franco-prussienne de 1870 jusqu’à la Première Guerre mondiale en est l’illustration frappante.

Au tournant du siècle, les autorités militaires belges intègrent donc dans leurs stratégies de défense un plan d’interruption totale du réseau ferroviaire, en fonction du danger qui leur paraît le plus vraisemblable : de français qu’il était, ce « danger » devient peu à peu allemand, à leurs yeux. « Les rapports de renseignements, les nombreux articles de presse et les cris d’alarme français incessants concernant le danger allemand ou l’amélioration du réseau ferroviaire à la frontière belge n’ont-ils pas conduit tout naturellement beaucoup d’officiers de culture et de langue française à s’intéresser davantage à la frontière orientale de la Belgique qu’à la frontière méridionale », s’interroge Christophe Bechet. « En tout cas, depuis les études réalisées par Brialmont en 1882 pour fortifier Liège, l’idée que les fortifications françaises érigées face à la frontière franco-allemande obligeraient au final les troupes du Reich à trouver une voie de contournement en Belgique était bel et bien présente au sein de l’Etat-major belge ».

Pourtant, comme le montre bien Christophe Bechet, le passage par la Belgique a longtemps été considéré par les généraux allemands comme une « hérésie stratégique ». « Ni Moltke, ni Waldersee, ne l’ont jamais vraiment envisagé entre 1859 et 1891 ». « La période qui suit est plus problématique ». En se basant sur les rares documents d’archives disponibles, l’historien s’attache à examiner la problématique du « Plan Schlieffen », qui aujourd’hui encore divise les historiens.

Alfred von Schlieffen, ce général-major aux moustaches tombantes, auteur de multiples plans  entre 1893 et 1905, se révèle certes, dès le départ, moins réticent que ses deux prédécesseurs à envisager l’idée d’un passage par la Belgique, en cas de guerre. Il considère que l’armée belge, trop faible, se réfugiera dans ses forteresses et qu’aucun corps expéditionnaire britannique ne sera en mesure de stopper les forces ennemies en territoire belge.

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« Les réflexions stratégiques de Schlieffen ont beaucoup évolué dans le temps », précise Christophe Bechet. « Mais tout indique qu’il n’a cessé de s’interroger sur l’opportunité politique et militaire d’un passage par la Belgique dont il prévoyait bien par ailleurs les conséquences négatives. ».

En décembre 1905, Schlieffen rédige un plan de stratégie offensive contre la France, un Denkschrift auquel la postérité a donné le nom de « plan Schlieffen ». L’image de ce plan  retenue par le grand public est la suivante: l’alliance franco-russe contraindra l’Allemagne à se battre sur deux fronts. Il faudra donc rapidement que le Reich se débarrasse de l’un et puis de l’autre de ses deux adversaires, en commençant par la France. Or, derrière les frontières d’Alsace et de Lorraine, Schlieffen sait que l’Hexagone est une vraie forteresse et qu’il ne convient pas de l’attaquer frontalement. Il envisage donc une grande manœuvre de contournement par le nord, c’est-à-dire par la Belgique, terrain de déploiement idéal à ses yeux pour affronter l’armée française.

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