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La Belgique neutre, barrière ou voie de traverse ?
14/06/2012

Reseau-ferroviaire-1914Au Sénat, Jules Malou, outré, proclame : « Supposons qu’une compagnie prussienne négocie ou médite un traité avec le Grand Central pour la reprise de la ligne d’Aix-la-Chapelle à Anvers. Pourrions-nous accepter une telle proposition ? Se trouverait-il un seul homme en Belgique, à quelque opinion qu’il appartienne, qui crût politique, convenable, utile, de permettre cette cession ?  En acceptant une proposition en ce sens, si un jour elle était faite, la Belgique, selon ma conviction, violerait complètement sa neutralité et nuirait essentiellement à ses intérêts matériels ».

La Belgique – qui s’était montrée complaisante quelques années auparavant à l’égard des convoitises ferroviaires françaises, ne l’est plus tout à coup. Elle vient de prendre conscience de l’aspect stratégique de l’affaire. Bismarck, de son côté, nie farouchement toute implication allemande dans le projet de loi belge. Lui qui rêve d’une alliance anglo-prussienne contre la France songe d’ailleurs à faire de cet incident un instrument de sa propre politique. Le gouvernement anglais – comme à son habitude, ne sortira pas de son « splendide isolement », se contentant de prôner une solution négociée. Finalement, les pourparlers franco-belges mettront fin à la polémique et des compensations économiques seront accordées par Bruxelles…

Cette crise franco-belge, Christophe Bechet l’analyse en profondeur « parce que les études historiques ont souvent négligé jusqu’ici ses aspects stratégiques ». Elle met clairement en évidence l’intérêt de la maîtrise du réseau ferroviaire belgo-luxembourgeois en cas de guerre. Et l’on insiste rarement sur le fait que la Compagnie de l’Est français, après avoir essuyé un refus belge, a quand même obtenu des compensations importantes dans le Grand-Duché. « Il n’est pas impossible, conclut l’historien, que Frère-Orban ait quelque peu endormi les craintes de Berlin dans cette affaire, en déclarant au représentant prussien à Bruxelles qu’il ne connaissait pas exactement la portée des négociations en cours concernant la ligne Sterpenich-Wasserbillig »… Il est vrai que le ministre libéral estimait avoir été au bout de la patience française en s’opposant au rachat des lignes en territoire belge.

Il est d’ailleurs assez piquant de relever qu’une des raisons de la cuisante défaite de Napoléon III à Sedan, deux ans plus tard, dans la guerre franco-prussienne, est à chercher dans la mauvaise utilisation du chemin de fer par les troupes françaises. A contrario, la mécanique bien huilée des chemins de fer d’outre-Rhin a contribué pour une large part à la victoire allemande.

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