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La Belgique neutre, barrière ou voie de traverse ?
14/06/2012

Mais le roi était conscient que cet indéniable progrès présentait aussi des menaces pour l’indépendance et la neutralité du jeune Etat belge. « Notre capitale verra-t-elle un jour déferler les soldats français par la ligne Paris-Bruxelles ? », avait-il écrit dans une lettre à son beau-frère Emmanuel Comte de Mensdorff-Pouilly, le 18 février 1852. Le roi avait sans nul doute en mémoire l’incident de Risquons-Tout…

Le 29 mars 1848, en plein « Printemps des peuples », un corps-franc d’apprentis-révolutionnaires franchit la frontière franco-belge du côté de Menin. Ces hommes –1.500 environ, sont belges et français. Ils sont venus par le train de Paris et du nord de la France. Le chemin de fer vers Bruxelles existe depuis deux ans à peine ! Ils sont fermement décidés à fomenter des troubles en ralliant les ouvriers du sillon Sambre et Meuse à leur cause. Leur objectif : abattre le régime monarchique de Léopold Ier et instaurer la république dans le jeune Etat belge. Mais l’équipée tourne court. A peine débarqués, ils sont mis en déroute par un détachement de l’armée belge au hameau de Risquons-Tout.  Chez nous, la révolution de 1848 se termine avant d’avoir commencé…

guillaume_II_de_prusseCette année-là est pour la Belgique, dix-huit ans après son indépendance, le temps de la consécration. Notre pays franchit ce cap agité de l’histoire européenne sans encombre et n’est plus, aux yeux de ses voisins, le « fruit pourri d’un accident de l’histoire ». Même s'il perd ses liens dynastiques privilégiés avec la France, il acquiert en compensation l’estime des autres puissances et un rapprochement diplomatique précieux avec la Russie qui reconnaîtra bientôt officiellement la Belgique en tant qu’Etat. Au surplus, Belges et Hollandais se réconcilient enfin. En cas de guerre avec la France, toujours à craindre, « la Belgique sera le mur et les Pays-Bas le contrefort », proclame Guillaume II.

La Belgique, barrière supposée entre la France et la Confédération germanique, est en pleine industrialisation. Elle se préoccupe davantage de devenir un « carrefour commercial » que de soigner sa défense nationale. Elle apparaît comme une « brèche économique »  dans les anciennes frontières militaires. Le Génie belge devra d’ailleurs constamment revoir à la baisse ses conceptions défensives, sous la pression des développements ferroviaires en cours. Les premières jonctions ferroviaires avec l’Allemagne (1843) et avec la France (1846) sont largement soutenues tant par les milieux politiques et économiques que par la Couronne. Et cela, sans aucun souci  - ou presque, pour le risque stratégique que ces investissements représentent à terme. Peut-on encore parler d’une « Barrière belge » dans le sens qu’ont voulu lui donner les puissances de la Sainte-Alliance en 1831 ?

La « question belge »

A la moitié du XIXè siècle, la diplomatie européenne est en ébullition et la « question belge » sur toutes les lèvres. L’Angleterre, la Prusse, l’Autriche et la Russie, très inquiètes de voir resurgir les vieux démons expansionnistes de la France, s’accordent sur un plan visant à garantir et renforcer la neutralité de notre pays. Anvers, dont on entreprend à grands frais la fortification, devient le cœur de la politique défensive belge, au grand dam de Napoléon III.

Mais c’est l’extraordinaire développement du réseau ferroviaire belge et de ses connexions avec l’Allemagne et la France qui vont peu à peu susciter les « hauts cris » de nos puissants voisins. C’est ce que s’attache à démontrer Christophe Bechet en analysant l’évolution des « plans de guerre » français et allemands depuis 1839 jusqu’à 1905, date à partir de laquelle le passage des armées par la Belgique sera considéré, de part et d’autre, comme inéluctable.

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