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La Belgique neutre, barrière ou voie de traverse ?
14/06/2012

Un jeune historien de l’Université de Liège s’empare de l’importance stratégique des chemins de fer belges dans la politique de défense du pays et dans les plans de guerre des puissances voisines, tout au long du XIXè siècle et au début du XXè. Dans sa thèse de doctorat (1), Christophe Bechet lève un coin du voile sur un aspect méconnu de la géopolitique européenne avant la Première Guerre mondiale.

railsLa voie ferrée comme premier mode de communication internationale par voie terrestre, mais aussi comme success story des milieux d’affaires belges aux quatre coins du monde, constitue une des questions les plus travaillées de la discipline historique. Des travaux nombreux comme ceux de l’historienne Ginette Kurgan-van Hentenryk  ont montré à quel point ce mode de transport a révolutionné les relations économiques entre les pays et conduit le savoir-faire industriel belge à s’exprimer en Chine, au Moyen-Orient ou encore dans l’empire russe. En revanche, l’importance stratégique des chemins de fer, depuis l’indépendance de la Belgique jusqu’à la Première Guerre mondiale, n’avait jamais été étudiée d’aussi près.

C’est le grand mérite de Christophe Bechet de s’y être attelé, durant 7 ans, en explorant de multiples fonds d’archives nationaux et internationaux, parmi lesquels les rapports du Génie belge conservés dans le « Fonds Moscou » du Musée royal de l’Armée, les archives du Service historique de l’Armée de Terre à Vincennes, les rapports de l’ambassade britannique de Bruxelles conservés aux National Archives à Londres, sans oublier les rapports de la Légation allemande microfilmés. Un travail documentaire qui lui a permis de mettre en lumière l’importance cruciale du réseau ferroviaire belge dans les plans de guerre prusso-allemands et français.

« Le concept de traversée du territoire belge entre la France et l’Allemagne, explique Christophe Bechet, s’est imposé à moi comme l’axe de réflexion idéal, susceptible de pouvoir rassembler dans un même travail des événements divers, distants parfois de plusieurs décennies ». Et de citer, pêle-mêle, l’incident de Risquons-Tout en 1848, la crise ferroviaire franco-belge de 1869, les franchissements de frontière lors des combats de 1870, les plans de mobilisation allemands et français en vue d’une nouvelle guerre « fraîche et joyeuse », les destructions ferroviaires belges en août 1914… Une réflexion sur la longue durée qui permet d’éclairer certains enjeux capitaux de l’histoire européenne et belge en particulier.

Le XIXe siècle et la première décade du XXe constituent à bien des égards l’époque par excellence où la voie de chemin de fer est conçue comme « outil de projection de la puissance » économique et militaire des Etats. Mobiliser en un temps record des masses de troupes significatives tout en exploitant de manière beaucoup plus rationnelle les ressources de leur territoire doit permettre aux empires émergents de se doter d’avantages nouveaux. « La politique ferroviaire menée par Bismarck contribuera pour beaucoup à consolider le Zollverein et l’unité politique de la nation », rappelle Christophe Bechet. « De même, les plans de guerre allemands  destinés à contrer l’alliance franco-russe de 1893 n’auraient jamais été concevables sans un développement massif des chemins de fer permettant de transporter des divisions entières d’un front à l’autre ».

L’incident de Risquons-Tout

A la fin du XIXe siècle, un banquier belge peut déjà prendre le train à Bruxelles au petit matin pour rencontrer un client à Paris, déjeuner avec lui, traiter ses affaires et reprendre ensuite le train du soir pour rentrer à domicile. On n’arrête pas le progrès…  Depuis sa création en 1846, la ligne Paris-Bruxelles n’a cessé de rapprocher les deux capitales. Léopold Ier, très soucieux du développement économique de son royaume, s’en était réjoui à l’époque. La Belgique  n’avait-elle pas construit le premier réseau ferroviaire du continent ?

(1) Traverser la Belgique ?  De l’indépendance au plan Schlieffen (1839-1905), Thèse présentée par Christophe Bechet, en vue de l’obtention du titre de Docteur en Histoire, Art et Archéologie, sous la direction de Catherine Lanneau et Francis Balace.

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