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Le financement du service universel
19/06/2012

Dans le secteur postal, l’écrémage du marché est accentué par la contrainte de prix uniforme. La distribution de courrier dans un village ardennais est plus coûteuse que dans le centre d’une ville, pourtant le prix payé par l’expéditeur est identique et basé sur un coût moyen calculé à l’échelle du pays. Du fait du prix uniforme, la distribution de courrier en zones urbaines est artificiellement profitable et donc d’autant plus attractive pour les concurrents, tandis que la distribution en zones rurales est déficitaire, le prix du timbre ne reflétant pas le coût de distribution.

L’arrivée d’entreprises concurrentes sur le marché menace le financement du service universel. Les profits de l’opérateur historique diminuent, voire disparaissent tandis que les pertes liées aux services non rentables subsistent. Le mécanisme de transferts croisés au sein de l’entreprise est mis à mal par l’arrivée de la concurrence sur le marché. L’importance de ce problème est fonction à la fois de l’intensité de la concurrence dont dépend le profit des segments rentables et de la définition du service universel dont dépendent les pertes liées aux segments non rentables. Si la concurrence est intense et les contraintes de service universel importantes, la viabilité financière du prestataire pourrait ne plus être assurée. Dans le secteur postal, avant la libéralisation et la définition des conditions de concurrence par l’Etat belge, la crainte de l’opérateur historique était considérable à cet égard.

Compensations pour le service universel

Le prestataire du service universel est donc en droit de demander une compensation pour les services qu’il rend, particulièrement si ceux-ci représentent une charge inéquitable qui place l’entreprise en position désavantageuse par rapport à ses concurrents.  Dans un marché libéralisé, il faut donc créer un mécanisme de compensation pour le service universel qui aurait le même rôle que les transferts croisés dans la situation de monopole.  Axel Gautier a consacré plusieurs études à la notion de service universel, à son coût et à son financement (1). Pour le chercheur liégeois, dans le secteur postal, la contrainte du service universel dépend du contenu des obligations qu’il implique, des caractéristiques du marché postal et de la configuration géographique spécifique de chaque pays. Ces trois catégories de facteurs affectent en même temps le coût direct du service et l’intensité de la concurrence dans le domaine de la distribution postale. Dans l'article publié dans la Review of Network Economics (2), Axel Gautier et Dimitri Paolini prennent en compte les caractéristiques géographiques spécifiques de ce marché et démontre que le choix d’un mécanisme approprié de partage de l’obligation de service universel entre les opérateurs dépend de la configuration géographique spécifique de chaque pays. Il en conclut que pour le financement du service universel, une formule unique ne convient pas.

Lorsqu’on analyse le contenu de la Directive Européenne qui régit la libéralisation des services postaux, il apparaît que deux possibilités s'offrent aux états: ou bien compenser le service universel par des subsides ou bien partager les frais qu’il engendre entre les opérateurs en créant un fonds de financement de ce service. Or, quelle que soit l’option adoptée, il faut reconnaître qu’aucune solution standardisée ne peut convenir à toutes les situations. En particulier, la configuration géographique du pays doit être prise en compte dans la recherche d’une solution équitable.   Différents cas de figure sont envisagés:
-  un territoire mixte, comportant deux régions distinctes: une première qui se caractérise par son caractère urbain et l’autre de type rural;
- un territoire homogène dans lequel la plupart des habitants se trouvent en zone urbaine;
- un territoire présentant une configuration intermédiaire plus uniforme.

Ces différentes configurations territoriales reflètent la diversité des pays Européens.  On observe ainsi qu'en Suède, dont la configuration est de type mixte, les concurrents postaux ne couvrent que 40% du territoire, soit les grandes agglomérations tandis qu'aux Pays-Bas, un pays de type homogène, les différents opérateurs maintiennent une couverture nationale.

(1) Son travail s'est focalisé sur l'impact des contraintes de service universel, et particulièrement la péréquation tarifaire et l'obligation de couverture universelle, sur la manière dont les firmes se font la concurrence. Il s'est intéressé en particulier, au mécanisme de fixation des prix (http://hdl.handle.net/2268/72187), en montrant que le service universel relâche la concurrence en prix et à l'impact sur le déploiement de réseaux concurrents (http://hdl.handle.net/2268/95559). Ayant analysé l'impact des contraintes de service universel sur la manière dont les firmes se font la concurrence, il a étudié la mesure du coût net du service universel pour l'entreprise qui en a la charge (http://hdl.handle.net/2268/115428), étant entendu que le prestataire peut demander une compensation si le service universel représente une charge inéquitable et montré que la mesure du coût du service universel ne peut-être dissociée du mécanisme de financement. En d'autres mots, le coût du service universel est dépendant du mécanisme de financement. Par exemple, une taxe collectée sur les nouveaux entrants sur le marché, réduit leur couverture géographique et donc la concurrence sur le marché. Et s’il y a moins de concurrence, le coût net du service universel diminue.
(2) Gautier, A, & Paolini, D. (2011). Universal Service Financing in Competitive Postal Markets: One Size Does Not Fit All. Review of Network Economics, 10(3), 6.

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