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Une éolienne dans le paysage…
06/06/2012

Lors des interviews, les chercheurs essayaient de reconstruire l'évolution des sentiments au cours du temps. “Nous avons examiné les différents discours tenus sur l'énergie renouvelable à différents niveaux, explique Vincent Vanderheyden. Tout d'abord, la nécessité du développement d'énergies renouvelables est unanimement reconnue au niveau... international. Il en va de même au niveau national: on sait qu'on a des engagements européens à tenir. Quand on arrive au niveau régional, compétent pour le développement des éoliennes en Belgique, on s'aperçoit qu'il y a une différence qui commence à poindre entre, d'un côté, la nécessité de développer des énergies renouvelables et, de l'autre, l'intérêt personnel: “il faut développer ces énergies, mais pas chez moi!”. Ces divisions s'accentuent au niveau local: pour les riverains, il y a mutualisation des inconvénients mais pas des bénéfices.”

Le premier argument avancé pour traduire cette frustration est visuel: “mon paysage va être modifié”. Viennent ensuite des arguments portant sur le bruit, bruit des machines en elles-mêmes si elles sont anciennes, bruit du déplacement d’air, du souffle si elles sont de technologie plus récente. C'est un bruit qui n'est pas intense en décibels, mais qui peut être très gênant quand on se focalise dessus. Pour certains, il y a aussi un effet stroboscopique dû à la rotation des pales devant la lumière du soleil. Enfin, certains avancent des arguments un peu plus fallacieux comme la crainte d’un bris de pales par exemple ou la perturbation des couloirs de migration des oiseaux! L'aspect économique est également très présent. Pour des agriculteurs, et surtout des maraîchers exploitant de petites surfaces, l'ombre d'un mat de 150 mètres n'est pas sans importance... mais cela peut être compensé par la location des terrains: une seule éolienne représente environ 5.000 euros de revenu par an! Autre argument économique: la moins value potentielle sur une maison ou un terrain. L'argument de l'emploi ne semble pas non plus être pertinent aux yeux des opposants: les éoliennes ne sont pas construites chez nous et les seuls emplois durables sont donc ceux relatifs à la maintenance et, dans une moindre mesure, aux travaux de terrassement. “Dans tous ces discours, résume Vincent Vanderheyden, ce qui domine, ce qui est déterminant, c'est cette impression que les inconvénients sont pour soi tandis que l'autre (le promoteur, le propriétaire du terrain à côté du mien où va être implantée l'éolienne, le producteur d'électricité, etc.) sera gagnant, va empocher les bénéfices.”

Bien entendu, ces arguments ne sont pas absolus. Ils varient en fonction de la taille du parc (plus l'initiative paraît artisanale et peu industrielle, mieux elle sera acceptée) et de la nature des décideurs (l'initiative locale aura davantage les faveurs des citoyens). Enfin, les chercheurs ont également pu constater une évolution des perceptions au fil du temps. Le moment-clé est celui de l'annonce du projet d'implantation d'éoliennes dans un lieu. Cette annonce est obligatoire; elle se fait sous forme de réunions publiques au cours desquelles le projet est présenté. “C'est le moment où se forgent les premières opinions, qui, souvent, vont perdurer”, souligne Vincent Vanderheyden. C'est aussi à ce moment que se forment les groupes, en général d'opposants. En fait, les attitudes évoluent à peu près selon une courbe en U. Eolienne-VacheAvant toute annonce de projet d'implantation, tout le monde trouve cela positif. Au moment de l'annonce, le rejet est souvent fort, argumenté. Lorsque les éoliennes fonctionnent depuis un certain temps, une partie des riverains ont abandonné leur opposition. Mais pour qu'il en soit ainsi, il faut respecter certaines règles. Il est impératif de réduire les coûts locaux (bruit, défiguration du paysage, etc.) et d'accroître les bénéfices locaux (système d'actionnariat local, création d'emplois locaux dans la maintenance, fourniture d’électricité moins chère). Des règles de bonne pratique en quelque sorte, dont les promoteurs devraient s’inspirer.

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