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Alzheimer : quand on ne sait pas qu'on sait...
15/03/2017

Alzheimer-metacognitionIls présentèrent à 23 patients, sur un écran d'ordinateur, 80 photos de personnages célèbres et 80 de personnes inconnues en veillant à ce que les deux échantillons soient harmonisés l'un par rapport à l'autre sur les plans de l'âge, du sexe, de l'origine ethnique, etc. Pour les personnages célèbres, les psychologues effectuèrent d'abord un prétest chez des sujets âgés normaux afin de s'assurer qu'ils étaient effectivement connus. Alain Delon, par exemple. Pour les inconnus, une phase d'apprentissage était nécessaire. La première étape avait pour but de permettre aux patients de se familiariser avec les visages des différentes personnes apparaissant à l'écran. « Nous montrions les visages, puis nous demandions aux participants d'indiquer s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme, rapporte Sarah Genon. Ensuite commençait la phase d'encodage en mémoire, où nous fournissions le nom de la personne (Caroline Martin, par exemple) et, afin de favoriser l'association en mémoire du visage et du nom, nous posions des questions telle que "Trouvez-vous que Caroline Martin porte bien son nom ? Et pourquoi ?". Enfin, nous cachions le nom de la personne sur l'écran d'ordinateur où apparaissaient les photos et demandions au patient un rappel immédiat de ce nom. En cas de bonne réponse, nous considérions que l'information était encodée et passions à l'item suivant ; en cas d'échec, nous recommencions la procédure. »

Quelques minutes après l'apprentissage, les participants à l'expérience se voyaient projeter à nouveau les photos des personnages fictifs et des personnages célèbres. À chaque fois, quatre noms leur étaient proposés. Afin d'éviter des identifications qui auraient été liées à une simple familiarité vis-à-vis de la phonologie du nom correct, des distracteurs phonologiques avaient été introduits. Par exemple, lorsque le visage d'Alain Delon était présenté, une des quatre propositions était « Alain Seron ». De même, une des suggestions pour l'« anonyme » Suzanne Firmin était Suzanne Quirtin. Pour chacune des photos, les patients devaient prédire la probabilité d'une identification correcte, sur une échelle comportant quatre degrés : aucune chance (1), faibles chances (2), fortes chances (3), certitude (4). « Le niveau 1 se référait à des patients qui estimaient ne pas connaître du tout la personne présentée, comme s'ils ne l'avaient jamais vue, commente Sarah Genon. Au contraire, le niveau 4 concernait des patients ayant un accès direct à l'information en mémoire et donc capables de nommer le visage visible sur l'écran sans qu'il soit nécessaire de leur fournir la moindre suggestion. » Ces deux catégories extrêmes, sans nuances, n'intéressaient pas fondamentalement les chercheurs. Ce sont les deux catégories intermédiaires (faibles chances, fortes chances) qui retinrent leur attention.

Mise en échec

S'agissant de la métacognition portant sur la mémoire épisodique (personnages fictifs), il apparut que par rapport à la population des personnes âgées non atteintes de la maladie (échantillon de 17 volontaires), les patients Alzheimer étaient proportionnellement beaucoup plus nombreux à s'accorder peu de chances de reconnaître un visage qu'ils identifieraient pourtant correctement peu après - en quelque sorte, ils ne savaient pas qu'ils savaient. Par contre, quand la métacognition avait trait à la mémoire sémantique (personnages célèbres), les patients avaient conscience qu'ils possédaient de fortes chances de reconnaître la personne. « Ils jugeaient leurs performances en mémoire sémantique de manière similaire aux personnes âgées normales », précise encore Sarah Genon.

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