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Quand la poésie se fait quotidienne respiration...
08/06/2012

En éditant ses Poésies complètes, Gérald Purnelle a manifestement répondu à un coup de cœur. Avec les dix-sept recueils ou plaquettes – ensemble augmenté de nombreux inédits – que ce volume contient, il fait sortir de l'anonymat un poète qui mérite d'avoir toute sa place dans le patrimoine de la littérature francophone de la Communauté française de Belgique. Car Guiette est particulièrement représentatif de ces hommes de lettres du royaume qui, dans leur désir d'être reconnus par la force centripète et légitimatrice qu'exerce Paris sur eux, en subissent en retour une emprise considérable. Chez lui, en dépit de son attachement au symbolisme qu'il essaye de réinventer tout en ayant de la peine à s'en écarter, ce sera le cas de la modernité naissante déjà évoquée plus haut et incarnée par Guillaume Apollinaire, pionnier de l'esprit nouveau. Ce le sera aussi du surréalisme, mouvement littéraire qui le touchera sans pour autant l'annexer totalement, même si ses métaphores audacieuses se ressentent à l'évidence des apports de l'inconscient. 

Cette convergence d'influences confère aux poèmes de Guiette, du recueil Musiques datant de 1927 (mais écrit en 1923) à celui de Cailloux qui est de 1973, une brièveté et un goût de l'ellipse à la limite de l'hermétisme, lui-même accentué par le fait que son auteur ne dit pas nécessairement de quoi il parle. Forme exigeante donc, qui, selon le poète Philippe Jones – auteur de la préface de l'ouvrage –, privilégie les « vers libres, succincts, souvent squelettiques, non sans rythme, juxtaposés, parfois sans enchaînements, comme des prises de conscience automatiques, de ligne courte en ligne courte ». Mais, poursuit-il, si « cet étagement de notations peut créer une obscurité de l'entendement, [...] à la relecture, les images allument leurs faisceaux ». Traits marquants auxquels il convient d'ajouter, en ce qui regarde le fond,  une certaine dimension éthique – l'homme a besoin de la poésie pour trouver une direction à son existence – et, surtout dans les dernières pièces, une connotation religieuse volontiers subliminale.     

rêve-des-fumeursLe poète Jean Cassou pour sa part, qui a préfacé en son temps le volume de l'œuvre poétique de Guiette (Poésie 1922-1967, Paris, Editions universitaires, 1969), écrit à son propos : « C'est une poésie de promeneur solitaire, d'ouvrier journalier, d'homme faisant son métier d'homme. » Raison pour laquelle s'y retrouve, tant dans la prose poétique que dans les vers proprement dits, toute la palette des émotions et sentiments de l'humaine condition. Celle qui, au gré des jours et de leur flux ininterrompu, fait osciller les êtres entre certitude et scepticisme, ascèse et désir, cérébralité et sensualité, clarté et ombre. Signe de dualité, à nouveau ? Sans doute. Ce qui ne rend que plus proche pour le lecteur attentif la sensibilité de ce poète doublé d'un savant, sensibilité qui irrigue avec bonheur ses Poésies complètes.

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