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Matonge, histoire de l’immigration congolaise
12/06/2012

Cette difficulté d’accès à l’emploi ne manque pas d’avoir des répercussions dans les couples congolais. Les femmes, généralement mieux intégrées dans le monde professionnel (même si les postes qu’elles occupent se cantonnent principalement aux secteurs domestiques et des soins de santé, ce qui les oblige souvent à travailler selon des horaires décalés), deviennent les « pourvoyeuses de fonds » de la famille. Les hommes, incapables d’assumer à eux seuls la charge financière, perdent leur statut de chef de ménage. « On se retrouve alors dans des situations où  les enfants disent à leurs parents : "pourquoi faire des études ? Pour finir au chômage, comme papa ?" », relate la chercheuse. Cette précarité parentale devient souvent synonyme de perte d’autorité. Pour toutes ces raisons, bon nombre d’immigrés estiment qu’il est devenu impossible d’éduquer ses enfants en Belgique.

« On constate désormais des mouvements migratoires macrosociaux vers les pays anglosaxons. Certains Congolais, possédant parfois la nationalité belge ou française, partent vivre au Canada, en Angleterre, aux États-Unis… Avec l’espoir qu’ils parviendront à travailler, constate Sarah Demart. Beaucoup de ceux qui vivent en Belgique, des gens instruits, ont l’impression d’avoir raté leur vie. Au départ, ils souhaitaient s’installer ici pour accumuler un certain capital puis pour rentrer au pays. Mais le retour est toujours différé. À cause de la situation politique, mais aussi parce que cela coûte cher de se réinstaller. »

C’est un peu de cette situation d’amour-haine qui s’est exprimée lors des émeutes de décembre 2011. L’amour pour ce pays qui est devenu une terre d’accueil, la haine envers cette société qui n’a pas tenu ses promesses d’intégration.

Matonge-CouleursÀ l’image de la diaspora congolaise, Matonge tente aujourd’hui de réinventer son futur. Des visites guidées sont organisées, afin de faire découvrir une autre facette de ce quartier, devenu aujourd’hui un véritable carrefour multiculturel, où cohabitent Congolais, Belges, Guinéens, Pakistanais, Libanais, latinos-américains… Une manière aussi d’aborder les questions de l’immigration africaine et de la différence culturelle. « Pour certains anciens, Matonge est une déception, un échec, car il y a trop de stigmatisation. Pour d’autres, il ne faut pas le laisser disparaître. Aujourd’hui, Belges et Congolais cohabitent, mais on a parfois l’impression qu’ils vivent sur deux planètes opposées. Il y a encore beaucoup de travail à réaliser pour sortir des préjugés. »

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