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Les écrivains belges de l’entre-deux-guerres
30/05/2012

A la croisée de deux théories antagonistes

Son corpus, l’auteur le confronte à deux outils statistiques : l’analyse factorielle des correspondances et l’analyse structurale des relations sociales, qu’il intègre dans un contexte théorique double, a priori paradoxal, mais qu’il parvient à renouer. Il intègre en effet la dynamique et l’influence des réseaux sociaux et de l’intégration des auteurs dans ces réseaux (théorie qui s’appuie traditionnellement sur l’analyse structurale) à la notion bourdieusienne du champ (qui utilise davantage l’analyse factorielle, qui finit par projeter sur un même plan d’un graphique, les caractéristiques pré-établies des personnes observées, et où les différentes positions s’interdéterminent). Or, en caricaturant, on peut dire que la première théorie relève d’une forme d’individualisation et d’interactions rationnelles entre personnes, là où la seconde considère un champ social comme un cadre holistique, plus déterministe, répondant à une série de codes qui lui sont propres et qui conditionnent la place d’un être humain dans la société. « En réalité, la littérature est un superbe objet pour la sociologie, justement parce que ces grandes tensions structurantes entre courant individualiste ou interactionniste et le courant holiste ou déterministe sont rencontrées dans cet objet. Il y a un processus d’individualisation très fort en littérature alors que chaque auteur s’inscrit dans un contexte qui lui est propre. La littérature pose question en ceci qu’elle favorise les deux interprétations du social suivant les indices observés. Il y a donc un juste milieu à dénicher pour essayer de comprendre comment l’Auteur, la figure romantique du génie individuel, arrive à négocier sa position dans un collectif d’écriture. » Cette négociation, Björn-Olav Dozo la trouve dans les réseaux où s’intègrent les écrivains. Et l’étude aura permis de conclure entre autres qu’il est quasi impossible pour un auteur d’obtenir une reconnaissance symbolique s’il n’est pas inséré dans les bons réseaux. « Certains chercheurs en avaient certes l’intuition, mais rien ne le démontrait objectivement. »

réseau-sociabilité
Dans la théorie des champs, l’analyse factorielle permet d’établir des relations objectives (ressemblance par la même appartenance à une catégorie, par exemple le lieu de naissance ou les études entreprises) entre différents agents, là où l’analyse des réseaux mobilise l’analyse structurale des relations sociales, qui s’appuie sur des relations effectives (échanges, interaction, fréquentation de mêmes lieux, lettres ou coups de téléphone). La mécanique qui a articulé la pensée du chercheur aura été de s’interroger sur l’inscription de ces outils dans leur cadre théorique traditionnel, et de faire bouger les habitudes. Il utilise ainsi l’analyse des relations sociales au sein de la théorie des champs. « Le tout était de tenter de ne pas dénaturer soit le champ soit l’outil, et de déterminer dans quelle mesure il était possible d’utiliser l’un et l’autre. Et il m’a semblé qu’en limitant l’usage de l’analyse structurale des réseaux à des relations effectives entre écrivains et en définissant de manière concrète ces relations, il devenait possible d’articuler ces relations avec le profil social des écrivains, qui lui, s’intègre facilement dans la théorie des champs. La position au sein des relations devenait donc une forme d’attribut des agents, à l’instar d’autres variables comme la profession ou les études. Et rien ne m’empêchait, il me semble, d’utiliser ces outils formels liés à l’analyse des réseaux pour revenir par la suite dans un cadre interprétatif lié à la théorie des champs. »

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