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La médiation scolaire
16/05/2012

A fortiori, l'Ecole suit le mouvement. Sur fond, notamment, de massification scolaire, d'évolution de la structure familiale et d'émergence d'une « culture adolescente », elle devient — et est encore — le lieu d'un pluralisme normatif, d'une cohabitation de différentes normes, creuset lui-même propice à l'émergence d'une culture de la médiation. « Qu'elles visent à résoudre les conflits (c'est-à-dire à restaurer les liens sociaux) ou à les prévenir (c'est-à-dire à préserver les liens sociaux), les pratiques de la médiation (...) tentent de prendre en considération la diversité (sociale, ethnique, culturelle, etc.) et la pluralité des ordres normatifs qui caractérisent nos sociétés » écrit, dans La médiation scolaire, Christophe Dubois, chargé de recherches à l'ULg. L'Ecole se métamorphose ainsi de telle sorte qu'elle fait désormais cohabiter, pour une part, un champ pédagogique et, d'autre part, un « champ social », un « milieu de vie » pluri-normé. Autrefois encastrées, la fonction pédagogique de l'Ecole d'une part, et les valeurs naguère partagées par les enseignants et les parents d'autre part (Olgierd Kuty parle de « micro-alliance stratégique mère-instituteur-curé »), sont désormais distinctes. Dans ce contexte, à la faveur de multiples facteurs très bien décrits par le professeur Kuty dans le présent ouvrage, les « générations Y et Z » (nées entre 1980 et aujourd'hui) forcent pour ainsi dire l'Ecole à se réinventer. En quête d'un projet de vie et d'un environnement propice au développement personnel, elles revendiqueraient aussi l'authenticité et la satisfaction immédiate, à rebours des vieux modèles scolaires plaçant l'accent sur l'effort et la gratification différée. Vivant souvent aussi le pluralisme normatif à la maison (dans un contexte de plus en plus prégnant de famille recomposée), et « en l'absence des anciennes grandes trajectoires collectives institutionnalisées (telles qu'elles étaient offertes à leurs parents), les jeunes doivent chacun se construire un projet de vie ». Mais se heurtent pourtant, ajoute le professeur Kuty, à un monde scolaire vécu au contraire comme un espace figé et marqué par la non-discussion: « Nombreux sont les jeunes qui, ayant grandi et grandissant à l'enseigne de multiples normes, regrettent la difficulté du dialogue au sein d'institutions scolaires ne sachant encore trop comment s'adapter à ce contexte socio-culturel encore neuf tout en continuant d'accorder de l'importance à l'expérience des anciennes générations de professeurs, et donc à la tradition ».

On l'a compris, c'est dans ce cadre complexe qu'intervient la médiation: pour, explique Baptiste Dethier, Mediation-scolaire« favoriser l'instauration de normes communes, négocier le ''vivre ensemble'' » entre des acteurs du monde scolaire désormais « en conflit » du fait de leurs référents normatifs. Ce sont les élèves et les enseignants bien sûr, mais aussi les parents — qui, alors que la Famille et l'Ecole entretenaient autrefois une relation de coopération, contestent aujourd'hui beaucoup plus l'Ecole, « prenant davantage parti pour leurs enfants ». C'est donc sous la houlette du médiateur scolaire, incarnant une « nouvelle possibilité », que seraient aujourd'hui redéfinis les liens sociaux. « Il est clair que l'Ecole ne peut plus fonctionner comme elle l'a fait pendant 50 ans » conclut Dethier.

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