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Coup de projecteur sur les Jupiter chauds
30/01/2017

La deuxième grande méthode utilisée est la spectroscopie d’émission. Il s’agit d’une mesure de la variation de la lumière au moment de l’occultation, quand la planète passe derrière son étoile. Peu avant et peu après l’occultation, il est possible d’observer la lumière émise par le côté jour de la planète. Pendant l’occultation, la planète est cachée par l’étoile qui bloque donc la lumière émise par la planète. En observant des occultations à différentes longueurs d’onde dans le domaine de l’infrarouge, il est possible de determiner la structure thermique de l’atmosphère. Comment ? Toujours parce que, selon la température, le spectre lumineux prendra des formes différentes. « En occultation, on observe la lumière émise par la planète de son côté jour. Selon la présence des composés atmosphériques qui bloquent telle ou telle longueur d’onde, on pourra observer l’atmosphère plus ou moins profondément. Aux longueurs d’onde où le gaz absorbe peu, on pourra sonder les couches profondes de l’atmosphère. Or l’émission thermique est proportionnelle à la température de l’atmosphère aux endroits sondés. En comparant les mesures à différentes longueurs d’ondes, on finit par pouvoir cartographier la distribution verticale de température de l’atmosphère et voir par exemple si elle augmente ou si elle diminue avec l’altitude. » Jusqu’il y a peu, beaucoup pensaient effectivement qu’une inversion de température était monnaie courante dans les atmosphères de Jupiter chauds. Qu’il y avait une couche dans l’atmosphère où la température augmentait avec l’altitude (comme la stratosphère de la Terre). Or, les dernières observations tendent à montrer la situation inverse. À l’exception de l’une ou l’autre candidate, la température resterait constante, ou dans certains cas, diminuerait avec l’altitude. L’inversion thermique serait donc un phénomène marginal dans les atmospheres de Jupiter chauds. 

Choisir les meilleures cibles…

Parmi les planètes codécouvertes, Laetitia Delrez s’est vue confier la charge de publier les données récoltées pour un certain nombre d’entre elles. Si leur nom manque d’exostisme (WASP-68 b, WASP-73 b, WASP-88 b, WASP-121 b,…), ces découvertes ont chaque fois suscité un grand engouement pour l’équipe. « Pour ces planètes, nous avons calculé la masse et le rayon, ce qui nous permettait d’en déduire la densité et d’avoir une idée de leur composition. Nous recensions également les paramètres orbitaux de base, leur distance par rapport à la Terre… Parmi ces nouvelles planètes, je relevais ensuite les plus favorables pour une étude atmosphérique. » Les planètes ayant le profil le plus séduisant étaient soit très chaudes avec des périodes orbitales très courtes, soit avaient une densité relativement faible. C’était le cas de WASP-49b, WASP-80b et WASP-103 b. « Plus la densité de la planète est élevée, plus elle est compacte, et moins l’atmosphère est étendue. À l’inverse, une planète à faible densité témoigne d’une atmosphère plus diluée, ce qui est le cas de WASP-49 b et WASP-80 b. Or, plus cette atmosphère est étendue, plus les signaux chimiques attendus par spectroscopie de transmission seront intenses et facilement observables. WASP-103 b, quant à elle, nous intéressait pour une autre caractéristique. Elle orbite autour de son étoile en seulement 22 heures. Ce qui en fait une planète très chaude, de plus de 2000 K à sa surface du côté jour. L’émission thermique est donc relativement importante, ce qui facilite les mesures de son occultation. » 

TRAPPIST ULg Chili

… Et choisir les bons outils

Une fois les premières caractéristiques des planètes déterminées et les plus beaux profils sélectionnés, l’astrophysicienne pouvait demander du temps d’observation sur de plus grands télescopes. « Nous avons notamment obtenu du temps sur un des télescopes du VLT, au Chili, dont le miroir primaire fait 8 mètres de diamètre. Ce télescope est pourvu d’un spectrographe, FORS2, qui permet de décomposer la lumière en provenance de l’étoile à différentes longueurs d’onde dans le visible. Nous pouvions alors observer avec une bonne précision des courbes de lumière de transit à différentes longueurs d’onde simultanément. Pour WASP-49 b, nous n’avons pas observé de variation de profondeur du transit avec la longueur d’onde. Nous avions un spectre de transmission plat, ce qui signifie qu’on ne distinguait aucune signature de composants atmosphériques, ce qui peut donc sembler frustrant. C’est en réalité une propriété assez fréquente chez les Jupiter chauds. On pense que les atmosphères de ces planètes contiennent des nuages à haute altitude qui cachent les signatures spectrales des composants atmosphériques.  Mais pour d’autres, on observe des atmosphères claires, qui montrent des signatures atmosphériques assez nettes. La vapeur d’eau, par exemple, a été détectée dans plusieurs atmosphères de Jupiter chauds. Toutes ces observations créent des dynamiques palpitantes. Par exemple, il sera intéressant de comprendre pourquoi nous observons sur certaines planètes des formations de nuages, et pas sur d’autres. Quelle est la composition de ces nuages ? Quel rôle joue la température dans leur formation ? Pour comprendre la physique atmosphérique de ces planètes, on doit donc continuer de récolter ce type de données, et de les modéliser pour contraindre les propriétés atmosphériques au mieux possible. » 

De prochains instruments comme le JWST et des programmes fraîchement lancés comme SPECULOOS offrent un avenir plein de belles promesses. Les méthodologies mises en place pour étudier les atmosphères de Jupiter chauds pourront prochainement être appliquées aux planètes telluriques et permettre d’avancer d’un grand pas dans la quête d’environnements habitables. Les études atmosphériques du système planétaire TRAPPIST-1 ont déjà débuté (Lire Les exoplanètes orbitant autour de l’étoile TRAPPIST-1 livrent d’autres secrets). Quant au JWST, il pourra, depuis l’espace, observer avec une plus grande précision encore différents systèmes planétaires de la galaxie. 

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