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Coup de projecteur sur les Jupiter chauds
30/01/2017

Géantes, massives et orbitant tout près de leur étoile. De toutes les exoplanètes découvertes à ce jour, les Jupiter chauds sont les plus faciles à détecter et à observer. Si la vie y est impossible, elles n’en restent pas moins fascinantes, tant pour leurs milieux extrêmes que pour leurs origines aussi inconnues qu’intrigantes. Au fur et à mesure des études, le voile se lève sur ces objets réunis derrière une série de paramètres communs, et qui semblent aujourd’hui offrir un éventail de plus en plus large de profils. À la croisée des campagnes internationales de détection (WASP, TRAPPIST) et de caractérisation de nouvelles planètes et de programmes d’étude atmosphérique , Laetitia Delrez, chercheuse au Laboratoire sur les Origines en Cosmologie et Astrophysique de l’Université de Liège, actuellement en post-doctorat à Cambridge, en dresse des portraits soignés, récoltés au cours de quatre années. Une thèse(1) récemment défendue et couronnée du prestigieux prix de la Fondation Gruber, décerné chaque année par l’Union astronomique internationale (IAU).   

En vingt ans, l’exoplanétologie a parcouru un chemin pour le moins remarquable. D’une planète découverte en 1995, elles sont aujourd’hui des milliers à être passées au crible des télescopes du monde entier. Particulièrement à la suite d’intenses programmes de recherche jusque dans les coins les plus reculés du ciel. Des observations encourageantes –et des études statistiques !- qui poussent les astrophysiciens à dire que presque chaque étoile accueillerait un système planétaire. Ces statistiques portent à la centaine de milliards le nombre de planètes pour notre seule galaxie. Bien que l’état des connaissances de ces planètes évolue à grande vitesse, bon nombre de questions et d’incertitudes demeurent. Il faut bien avouer que les dizaines, et plus souvent les centaines d’années lumières qui nous en séparent rendent leur observation difficile. Évidemment, les évolutions dans ce domaine traduisent au final une même grande motivation, épingler des planètes aux conditions suffisamment clémentes pour accueillir la vie et sonder leur atmosphère à la recherche d’éventuels biomarqueurs (eau, dioxide de carbone, ozone, etc.). Les meilleures candidates sont les planètes telluriques orbitant dans la zone habitable de leur étoile. Mais hormis pour quelques prétendantes plus enclines à dévoiler leurs secrets les plus intimes (lire à ce sujet Un trio de terres à 40 années-lumière ?), déterminer avec précision les caractéristiques de ces petites planètes reste actuellement à la limite du possible. 

HotJupiter

 

Vue d'artiste d'un Jupiter chaud, une planète géante gazeuse orbitant très près de son étoile. 
Credit: NASA

Approcher les conditions extrêmes des Jupiter Chauds

À côté de ces cibles privilégiées mais discrètes, il y a les géantes gazeuses, et plus particulièrement celles qui orbitent près de leur étoile (plus près que Mercure n’orbite autour du Soleil). Grandes, massives, et orbitant leur étoile en quelques jours seulement, ces planètes regroupées sous le nom générique de Jupiter chauds se révèlent bien plus bavardes. Elles sont effectivement les plus faciles à observer, tant par la méthode des vitesses radiales que par celle des transits. Ces planètes permettent non seulement d’en apprendre beaucoup sur la physique des systèmes planétaires de notre galaxie, mais aussi de calibrer et d’améliorer nos méthodes et nos outils actuels. Et ce n’est pas tout. « Les Jupiter chauds sont en eux-mêmes des objets fascinants pour leurs conditions extrêmes, commente Laetitia Delrez, astrophysicienne au Laboratoire sur les Origines en Cosmologie et Astrophysique de l’Université de Liège, actuellement en postdoctorat à Cambridge. Ces planètes orbitent autour de leur étoile en quelques jours, parfois moins (lire à ce sujet Drame exoplanétaire : une planète s’effondre sur son étoile). Cette proximité génère des effets de marée considérables, qui vont les déformer et les conduire dans la majorité des cas à se rapprocher de leur étoile, jusqu’à ce qu’elles atteignent, dans plusieurs dizaines ou centaines de millions d’années, la limite de Roche, et qu’elles se désagrègent. Elles sont aussi soumises à de fortes irradiations, jusqu’à plusieurs milliers de fois plus importantes que la Terre. La température en surface peut atteindre plus de deux mille Kelvins. Elles sont en rotation synchrone et présentent donc un côté jour et un côté nuit permanents. Ce phénomène induit des contrastes de températures importants, à l’origine de vents supersoniques. Des vents qui jouent un rôle dans la circulation atmosphérique et dans la redistribution de chaleur entre les deux hémisphères. »  

Si elles ont des similitudes, les Jupiter chauds montrent aussi des profils variés, notamment au niveau de leurs masses et rayons, et donc de leurs densités. Certaines planètes ont une densité élevée, c’est-à-dire un petit rayon compte tenu de leur grande masse et de leur irradiation. Ces planètes contiendraient une quantité importante d’éléments lourds (roches, glaces) qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de fois la masse de la Terre. A l’inverse, d’autres ont une densité très faible, jusqu’à dix fois plus petite que celle de notre Jupiter. Ces planètes sont aussi généralement celles qui sont le plus fortement irradiées et donc les plus chaudes. Certains Jupiters chauds, moins massifs, se rapprochent du profil de Saturne là où d’autres ont une masse jusqu’à 13 fois supérieure à celle de Jupiter, etc. En définitive, l’appellation regroupe des planètes aux caractéristiques assez diverses, dans laquelle il n’est pas inutile de mettre un peu d’ordre. C’est précisément ce à quoi s’est attelée Laetitia Delrez pendant quatre années. La jeune astrophysicienne vient de défendre une thèse sous la direction de Michaël Gillon, dans laquelle elle dresse un impressionnant état de la question. Ses contributions à l’exoplanétologie sont variées, et vont de la codécouverte de nouvelles planètes et leur caractérisation à l’étude de certaines de leurs atmosphères. De vastes observations menées de front au sein de plusieurs programmes de recherches comme WASP et TRAPPIST.

(1) Delrez L., Detection and characterization of transiting hot Jupiters, Sept. 2016.

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