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La médiation, en mode investigation
09/02/2017

Issu d'une réflexion de longue haleine menée au sein du Lemme, Laboratoire d'études sur les médias et la médiation de l'Université de Liège, l'ouvrage collectif (1) dirigé par Christine Servais interroge sous de multiples angles la médiation, notion omniprésente dans notre société mais restant à ce jour plus complexe qu'il n'y paraît de premier abord. Raison pour laquelle ses nombreux contributeurs – onze au total – analysent toutes les pratiques, plus ou moins récentes et plus ou moins innovantes, que le succès de cette notion a engendrées.  

COVER La mediationDurant des temps immémoriaux a prévalu, dans les relations humaines, le principe de verticalité. Des normes étaient établies, arrimées à des valeurs se voulant universelles et/ou transcendantes, et des hommes (plus rarement des femmes) de terrain  s'occupaient vaille que vaille de les mettre en œuvre. Cette pratique  traditionnelle avait cours aussi bien dans les domaines culturel, scolaire ou familial – entre autres – que dans ceux relevant plus généralement de la justice et de l'administration. 

Avec l'émergence d'un pluralisme normatif, fruit d'une évolution sociétale caractérisée par un individualisme croissant, la négociation des valeurs a de plus en plus le vent en poupe. Plus question dès lors, aujourd'hui, d'appliquer automatiquement ce qui était dicté d'en-haut jadis : injonction ou imposition ne sont plus de mise. Résultat, les acteurs actuels en présence, en cas de conflit avéré par exemple, décident de parlementer avant d'aboutir à un accord. L'heure est désormais à la primauté de l'horizontalité. 

Cette mutation a boosté la médiation, propulsant vers une véritable institutionnalisation  un exercice de l'entremise à maints égards bien ancien. Pour cette raison, et d'autres exposées par Christine Servais dans une introduction particulièrement éclairante, « le moment sembl[ait] venu de faire le point sur les implications tant scientifiques que théoriques, pratiques et idéologiques de cette notion, et c'est dans cette perspective que s'inscrit cet ouvrage ». D'où, au fil de ses neuf chapitres, la dimension transversale qui le caractérise et l'approche interdisciplinaire qui le traverse. 

C'est que le terme « médiation » n'a ni signification stable ni sens univoque. On serait même en présence d'un « quasi-concept ». Cela est vrai pour le terrain des pratiques s'appuyant sur le champ juridique (conflits familiaux, aides sociales, etc.) : la médiation n'y répond pas à un référent unique. Ce l'est également dans le champ de la recherche : ici non plus, pas de règles ou normes pré-établies, encore moins de théorie d'où découleraient des dispositifs standardisés. 

Cette situation, où règne l'entre-deux, ne manque pas d'être paradoxale. Le rapport de force, en effet, est proscrit en l'occurrence puisqu'il s'agit de faire surgir du consensus grâce aux vertus de la spontanéité. Mais, parallèlement, surplombe – même si elle est euphémique – l'injonction pouvant tenir en ces mots : « il faut s'entendre, se comprendre, se (re)lier, éteindre les conflits, combler les écarts, etc. ». Voilà un hiatus de taille, et d'autant plus interpellant que les dispositifs dits « participatifs » ont actuellement la cote dans les divers aspects de la vie sociale – en particulier professionnelle et culturelle – des membres de la société, tous âges confondus. Mais, chacun à leur manière, les auteurs de l'ouvrage ont réussi à faire de cette solution de continuité spécifique un outil critique. De quoi, au final, « mobiliser la notion de médiation pour conceptualiser [son] instabilité elle-même et, en particulier, un mode de rapport à autrui qui ne soit pas totalement réglé ». 

(1) La médiation. Théorie et terrains, sous la direction de Christine Servais, coll. « Ouvertures sociologiques », Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, novembre 2016

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