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Rendez-vous avec Vénus
14/05/2012

Désespéré, Le Gentil sombre dans la dépression. Il veut quitter Pondichéry au plus vite, mais il ne peut embarquer car il est entre-temps tombé malade. Il survit de justesse et tente de repartir le plus vite possible. Il embarque finalement en mars 1770 et gagne l’île de France. En guise d’accueil, il y apprend la mort de Véron, qu’il avait rencontré en Inde et qui avait manqué le transit lui aussi – comme Le Gentil en 1761, il était en mer au beau milieu de l’événement. La maladie le rattrape alors, et sa convalescence durera sept longs mois. Toutefois, il veut repartir le plus vite possible – la vue de l’île lui est devenue insupportable ; en novembre, il trouve enfin un navire, mais deux semaines après le départ, celui-ci essuie une tempête qui le force à rentrer au port. Plusieurs mois passent encore : Le Gentil ne tient plus en place. Fin mars 1771, il embarque finalement dans un vaisseau espagnol qui passait par là. Après un voyage presque sans encombre, il débarque à Cadix, puis passe enfin les Pyrénées : il regagne la France le 8 octobre 1771, soit après onze ans, six mois et treize jours d’absence !

Ses mésaventures ne sont cependant pas terminées. Arrivé à Paris, il constate qu’on le croit mort : son siège à l’Académie a été donné à un autre, et ses héritiers sont en train de se partager ses biens. Il tempête, finit par récupérer son siège académique sur l’intervention expresse du roi, et intente un procès à ses héritiers – il ne recouvrera ses biens qu’après moult démarches. Mais son histoire se termine bien : il épouse une riche héritière, a une enfant qu’il chérit plus que tout, et meurt heureux en 1792, sans avoir connu, lui le sang bleu, les pires moments de la Révolution.


• Chappe
Dès 1767, Chappe se propose pour partir dans les mers du Sud. Les Espagnols refusent néanmoins de l’y emmener, et préfèrent le transporter en Basse-Californie (Mexique), un voyage qu’ils ont refusé aux Britanniques. Chappe quitte donc Paris le 18 septembre 1768 avec un serviteur, un ingénieur-géographe, un artiste et un horloger. Tout ce monde embarque au Havre le 21 septembre pour rejoindre l’Espagne. Ils essuient quelques tempêtes dans le Golfe de Gascogne, et mettent 26 jours pour atteindre Cadix… où leur flotte est retardée deux longs mois ! Deux astronomes espagnols viennent renforcer l’équipe scientifique, qui quitte finalement Cadix le 19 décembre. Le 8 mars 1769, ils arrivent enfin à Vera Cruz. Par voie de terre et de mer, ils rejoignent une petite mission espagnole nommée San Jose del Cabo, où ils arrivent le 16 mai. On leur conseille cependant de repartir aussitôt : le vomito negro, une sorte de typhus ou de fièvre jaune, gronde dans la région. Chappe refuse : s’ils partent maintenant, ils n’auront jamais le temps d’installer un observatoire correct pour le jour du transit. Ils restent donc à San Jose – une décision qui se révélera funeste !

Le 3 juin 1769, Chappe observe Vénus avec sa minutie habituelle. Grâce à l’éclipse de Soleil du 18 juin et aux éclipses des satellites de Jupiter, il détermine en outre sa longitude avec une bonne précision. Mais il est resté trop longtemps… l’épidémie rattrape la malheureuse expédition française, et elle décime les trois-quarts de la population de San Jose. Chappe, cruellement atteint, lutte pour continuer à observer. Il succombe finalement le premier août, âgé de 41 ans. Cette expédition ne comptera que peu de survivants : parmi les Français, seul l’ingénieur-géographe rentre au bercail avec les instruments, le récit de leur infortune et… les précieuses données si chèrement acquises.

4.2. Le Royaume-Uni

Dès 1763, la Société Royale bat le rappel. Comme les Français, les astronomes britanniques pensent encore que la méthode de Halley est la meilleure pour déterminer la distance Terre-Soleil, malgré les résultats peu convaincants de 1761. Et le Royaume-Uni veut combattre l’hégémonie française : ils ont gagné la Guerre de Sept Ans, ils remporteront également celle du transit ! Cette fois, Mason et Dixon restent prudemment non loin de chez eux, en terre civilisée : le premier part en Irlande, le second à Hammerfest, une île norvégienne. Cependant, il faut absolument des observateurs ailleurs. En 1766, la Société discute les arrangements pratiques des expéditions, et un comité décide de trois destinations cruciales : les Mers du Sud ; Vardö, une île au nord de la Norvège ; et Fort Churchill, dans la Baie d’Hudson (Canada). Un des membres de ce comité suggère d’entraîner les observateurs potentiels en construisant un Soleil artificiel et une Vénus miniature – une bonne idée, mais on ignore si elle fut mise en pratique. Toute la nation participe à l’effort astronomique : le roi Georges III lui-même se fit construire un observatoire privé, dans les jardins royaux de Kew pour pouvoir observer cet événement exceptionnel sans déranger les professionnels

• Dymond et Wales
William Wales a retenu la leçon des aventures de son collègue Chappe. Il accepte de partir, mais uniquement dans un site à la température agréable, situé sur le chemin de lignes régulières : bref, dans un endroit civilisé. La Société Royale décide d’exaucer son voeu en l’envoyant à Fort Churchill, en compagnie de Joseph Dymond. Ce comptoir canadien est en effet bien desservi… mais uniquement pendant les deux mois de l’année où il n’est pas bloqué par les glaces. En partant en 1769, ils arriveraient après le transit… Ils doivent donc partir un an plus tôt et passer l’hiver là-bas.

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