Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Rendez-vous avec Vénus
14/05/2012

Cependant, tout n’est pas si noir. Le transit révéla une propriété jusqu’alors inconnue de la planète Vénus : comme la Terre, elle possède une atmosphère. Celle-ci se dévoile lorsque Vénus commence à entrer ou à sortir du disque solaire, soit entre le premier et le deuxième contact ou entre le troisième et le quatrième : la planète est alors entourée d’une auréole diffuse… Seuls deux observateurs remarquèrent le phénomène en 1761 : Chappe et le Russe Mikhaïl Lomonossov ; bien peu les prirent au sérieux, même si la présence de l’auréole fut finalement confirmée par les Suédois.


4. Quelques années plus tard

La parallaxe solaire demeurant toujours incertaine, il fallait poursuivre les observations. Delisle étant décédé, c’est Lalande qui organise les efforts français. Après la Guerre de Sept ans, la France a perdu presque toutes ses colonies, et tente d’obtenir en Science l’hégémonie qu’elle a perdue outre-mer… Les Anglais, eux, n’ont pas digéré leur troisième place de 1761. Le combat – uniquement scientifique cette fois – va reprendre en 1769.

4.1. La France

Visibilité-transit-1769Les Français intensifient donc leurs efforts : cette fois, ce n’est pas moins de 34 continentaux qui observeront le transit ! Pingré part au Cap François, à Saint- Domingue. Le but premier de cette expédition est de tester la fiabilité de nouvelles horloges marines, mais Pingré en profite pour observer le transit de 1769. Pierre-Antoine Véron embarque avec l’expédition circumterrestre de Bougainville, tandis que Lalande reste prudemment à Paris. Mais c’est encore Chappe et Le Gentil qui connaîtront les aventures les plus tumultueuses… et les plus tragiques.

• Le Gentil
Dès 1765, le Gentil, qui n’est pas rentré en France, pense déjà au prochain transit. Il a étudié les sols, les marées, le magnétisme, le vent, etc. ; il s’est même plongé dans l’histoire de l’astronomie indienne. Mais le temps avance, et il ne veut cette fois plus manquer le rendez-vous de Vénus. Il annonce donc à l’Académie que Manille – alors colonie espagnole – lui semble un endroit idéal pour observer le transit, et il part là-bas sans même attendre la réponse de ses collègues, à bord d’un bateau espagnol. Il arrive ainsi à Manille le 10 août 1766, et envisage un temps de prolonger son voyage jusqu’aux îles Mariannes ; mais on l’informe du caractère plutôt irrégulier des liaisons avec cette destination (une fois tous les trois ans…), et il renonce à son projet. Installé à Manille, il commence bien évidemment à en déterminer la longitude.

Le 10 juillet 1767, il reçoit enfin la réponse de l’Académie : Manille, pourquoi pas – cela  pourrait servir à réunir des informations cruciales sur les Philippines en vue d’une prise de pouvoir par la couronne française – mais Pingré préférerait Pondichéry, comptoir redevenu français entre-temps. Le Gentil ignore le conseil de son collègue, mais la mauvaise volonté du gouverneur local lui fait reconsidérer son choix et lui fait penser de nouveau aux Mariannes. Il rate cependant le départ du bateau qui pourrait l’y emmener (une bonne chose, car celui-ci fait naufrage un peu plus loin : Le Gentil aurait perdu, sinon la vie, du moins tous ses instruments). Mais le mal est fait : cette insistance à rester en terre espagnole alors même que son gouvernement lui conseille de partir fournit un argument supplémentaire au gouverneur de la place… Le Gentil est un espion! Harcelé, l’astronome français tente de sauver sa peau en embarquant plus ou moins clandestinement sur un bateau portugais en partance pour Pondichéry.

Le-Gentil-1766Après un mois d’un voyage cauchemardesque, il est accueilli en terre française le 27 mars 1768. Dès son arrivée, il entreprend de construire un observatoire sur les ruines de l’ancien fort de Pondichéry. Il détermine ensuite précisément ses coordonnées géographiques grâce aux éclipses des satellites de Jupiter et à une éclipse de Lune. L’espoir revient au coeur de l’astronome désespéré. Le mois de mai et le début du mois de juin 1769 connaissent des conditions météorologiques exceptionnelles. La même météo radieuse persiste jusqu’à la veille du transit, et les notables complimentent déjà l’astronome pour ses futures observations. Mais il était écrit que Le Gentil était maudit : dès le début du transit, un nuage vient se placer devant le Soleil. Comble de malchance, une demi-heure après la fin de l’événement, le ciel se dégage complètement… et pour enfoncer davantage encore le couteau dans la plaie, il a fait magnifique à Manille ce jour-là.

Page : précédente 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 suivante

 


© 2007 ULi�ge