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Rendez-vous avec Vénus
14/05/2012

HalleySi Horrocks utilisa le transit de Vénus pour déterminer la distance Terre-Soleil de manière assez fantaisiste (lire L’Unité Astronomique ou la distance Terre-Soleil), ses successeurs – James Gregory en 1663, suivi d’Edmund Halley en 1677 – y pensèrent plus sérieusement. Cette année-là, le célèbre astronome était à Sainte Hélène où il établissait un catalogue de 340 étoiles de l’hémisphère austral ; et le 7 novembre 1677, il y observa un transit de Mercure. Malgré une météo peu clémente, il chronométra le temps de passage du dieu ailé sur la face solaire. Ses réflexions l’amènent à conclure qu’un observateur se trouvant ailleurs sur Terre aurait vu Mercure à un endroit différent sur le disque solaire. Cette différence de position, argumente-t-il, pourrait permettre d’estimer la distance Terre-Soleil. En peu de temps, Halley met alors au point une méthode pratique, et il publie en 1716, à l’âge de 60 ans, un manifeste dans lequel il exhorte ses successeurs à tenter l’aventure lors du prochain transit de Vénus prévu pour 1761 – trop tard pour lui, estima-t-il avec raison (il mourut en 1742, un verre de vin à la main…).

points-contactHalley avait exclu les transits de Mercure pour cette mesure : cette planète se trouve trop près du Soleil pour présenter des différences de position notables. Mais ce rejet ne fut pas unanime : les transits de Mercure étaient plus fréquents et son orbite était mieux connue que celle de Vénus ; la communauté astronomique se mobilisa donc en 1723, 1746 et 1753… pour un résultat nul. Guillaume Le Gentil conclut de ces malheureuses expériences qu’Halley avait raison : il faut exclure Mercure, dont le déplacement rapide empêche toute détermination précise des instants de contact (voir le dessin ci-contre).

3. Le Siècle des Lumières piste Vénus aux quatre coins du monde

Il ne restait donc que Vénus, et les dates de ses prochains transits s’approchaient à grands pas. Joseph Nicolas Delisle décida de prendre les choses en main. Il avait observé les transits de Mercure, et connaissait les difficultés de ce genre d’observation. Il en avait même parlé avec Halley en 1724. Ce dernier, impressionné par le jeune homme, lui remit des tables non encore publiées pour l’aider dans sa tâche (Newton aussi rencontra Delisle, et fut lui aussi troublé par l’intelligence aiguë du Français… il lui laissa également un modeste présent : un portrait de son humble personne !).

Mappemonde-DelisleDelisle corrigea tout d’abord la liste des meilleurs sites pour observer le transit – Halley avait commis une petite erreur de calcul –, et il publia finalement une « mappemonde » qui montre où se positionner sur Terre pour assister au spectacle dans les meilleures conditions. Il diffusa largement cette mappemonde, et tenta de mobiliser le monde entier : il écrivit à plus d’une centaine de correspondants ! Dès 1752, Delisle entreprend une « campagne publicitaire » intense. Il propose même une variante de la méthode de Halley : au lieu de noter les instants précis des deux contacts internes, il peut, grâce à sa nouvelle méthode, se contenter de relever un seul des temps de contact. Mais si elle a l’avantage d’augmenter le nombre d’endroits utilisables pour l’observation, cette méthode repose sur une bonne connaissance des coordonnées géographiques… or la longitude est encore mal déterminée à l’époque.

Hélas, 1761 n’est pas une année faste : l’Europe est alors dans la tourmente de la guerre de Sept Ans (1756-1763) qui fait rage entre les Anglais, aidés des Prussiens, et les Français, assistés des Autrichiens. Malgré ce contexte peu avenant, les « frères ennemis » franco-anglais mettent sur pied de gigantesques expéditions… pour la Science.

3.1. Ne dit-on pas que les Français sont les meilleurs amants ?

Delisle organise l’effort français. Ainsi César-François Cassini de Thury part à Vienne, où il observe le transit depuis l’observatoire jésuite en compagnie de l’archiduc Joseph. L’astronome Joseph-Jérôme Lalande reste prudemment à Paris… et au vu des (més)aventures de ses trois amis, Pingré, Chappe et Le Gentil, on ne peut lui donner tort.

• Pingré

L’abbé Alexandre-Gui Pingré est astronome, mais aussi auteur prolifique (il racontera avec force détails son voyage à la gloire de la Science), latiniste émérite et poète à ses heures ! Il fut tout d’abord question de l’envoyer en Sibérie (mais c’est finalement Chappe qui partira là-bas). On pense ensuite l’envoyer sur la côte sud-ouest de l’Afrique, après un voyage en compagnie des Portugais. Mais ceux-ci rallient l’Afrique via le Brésil, et en cette fin de l’an 1760, il est déjà trop tard pour emprunter cette route. Alors, pourquoi ne pas partir avec les Hollandais ? On ne sait pas ce que donnèrent les négociations avec ces derniers ; toujours est-il que l’Académie des sciences décida finalement de dépêcher l’abbé sur l’île Rodrigue (aujourd’hui Rodrigues), dans l’océan Indien – une destination moins risquée, car possession française facilement accessible, située sur la route de la Compagnie Française des Indes.

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