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Rendez-vous avec Vénus
14/05/2012

Transit-MercureKepler décédera malheureusement en 1630, avant d’avoir pu obtenir la confirmation expérimentale de ses calculs. Cependant, il avait pris ses précautions et exhorté les astronomes européens à entreprendre cette observation cruciale… en recommandant toutefois de commencer à scruter le Soleil quelques jours avant la date prédite – on ne sait jamais ! Cet appel sera particulièrement entendu par un astronome parisien, Pierre Gassendi. Trois autres européens ont aussi écouté les conseils de Kepler, mais ils n’ont fait aucune mesure scientifique du phénomène. Gassendi, lui, suit scrupuleusement les conseils de Kepler et installe un véritable observatoire : il construit une « camera obscura » (que vous pouvez reproduire en perçant un trou dans une boîte à chaussures) pour projeter le disque solaire sur un papier gradué, et il poste à l’étage supérieur un assistant chargé de lui donner l’heure quand l’astronome taperait du pied. Gassendi commence à observer deux jours à l’avance… mais des nuages l’empêchent de voir le Soleil. Le 7 novembre, les cieux sont un peu plus cléments, et les calculs de Kepler prouvent enfin leur justesse : Mercure est bien là, quoique avec un peu d’avance sur les prévisions. Le scientifique faillit d’ailleurs le manquer : il prit tout d’abord ce petit disque noir pour une tache solaire. À sa grande stupéfaction, il vit ensuite cette tache bouger, avec un mouvement par trop rapide pour une tache solaire : il ne pouvait s’agir que de Mercure, mais la planète était bien plus petite qu’on ne le pensait à l’époque – Gassendi estima sa taille à 20 secondes d’arc.


Pierre-GassendiL’astronome nota diligemment le trajet du dieu ailé sur le disque solaire, et il inscrivit l’heure de certaines observations – pas de toutes malheureusement, car aux dires de certains, l’assistant de Gassendi, découragé par les longues journées d’attente inutile et le ciel couvert, avait déserté son poste et avait dû être rappelé à l’ordre. Néanmoins, l’observation fut un succès, et Gassendi écrivit avec fierté : « …le rusé Mercure voulait passer sans être aperçu, il était rentré plus tôt que l’on ne s’y attendait, mais il n’a pu s’échapper sans être découvert, je l’ai trouvé et je l’ai vu ; ce qui n’était arrivé à personne avant moi ».


Gassendi veut réitérer son succès mercurien un mois plus tard avec Vénus. Certains disent que le 6 décembre, pluie et vent empêchèrent toute observation. En tout cas, il est certain que Gassendi n’a rien vu, malgré plusieurs jours de scrutation intense du ciel. Et pour cause : Kepler avait fait une erreur de calcul, et le transit n’était en fait pas visible depuis l’Europe occidentale… Gassendi est désespéré car il sait que le transit suivant ne se produira qu’en 1761…

Mais il ne fallut pas attendre aussi longtemps que Gassendi le pensait – et ce dernier aurait aussi pu voir Vénus voguer sur le disque solaire –, ainsi que le comprit un jeune anglais du nom de Jeremiah Horrocks. Cet étudiant précoce avait appris l’astronomie seul, en autodidacte, et s’était pris de passion pour cette science millénaire. HorrocksEn corrigeant des tables astronomiques imprécises, il découvre par hasard la possibilité d’un autre transit. Selon ses calculs, Vénus devrait transiter un mois (!) plus tard, le dimanche 24 novembre 1639, à trois heures de l’après-midi (en fait il faudrait écrire le dimanche 4 décembre, mais le Royaume-Uni utilisait encore le calendrier julien à l’époque).

Ébahi par sa découverte, mais pas certain de pouvoir observer le phénomène sous les cieux peu cléments de l’Angleterre, il prévient son frère Jonas ainsi qu’un de ses amis, le marchand de textiles et astronome amateur William Crabtree. Prudent, Horrocks ne veut manquer ce rendez-vous inopiné avec Vénus sous aucun prétexte : dès le 23, il observe avec constance, mais il ne voit rien. Le jour dit, le ciel est assez couvert, mais finit par se dégager à l’heure prévue pour le transit. Savourant son triomphe, Horrocks devient le premier homme à assister à un transit de Vénus. Il en profite pour estimer la taille de la planète (1′ 16″), et note même sa position sur le disque solaire à 15 h 15, 15 h 35 et 15 h 45, juste avant le coucher du Soleil. Malheureusement, il ne put observer continûment le phénomène : il fut retenu par d’« importantes affaires », probablement des obligations religieuses (3), avec lesquelles des « futilités » astronomiques ne pouvaient rivaliser. Son ami Crabtree, lui, eut quelque mal à observer le transit : de nombreux nuages lui gâchèrent la vue… mais finirent par s’entrouvrir un moment. CrabtreeLe spectacle céleste qu’il découvrit alors le frappa de stupeur ; le brave marchand ne reprit ses esprits que lorsqu’il était presque trop tard pour effectuer des mesures ! Jonas Horrocks, lui, ne put rien voir du tout : seules deux personnes observèrent donc la danse de Vénus devant le Soleil en l’an de grâce 1639… Horrocks ne put malheureusement profiter longtemps de son extraordinaire découverte : il mourut peu après, en 1641, à l’âge de 22 ans. L’ampleur de son travail (découverte de l’ellipticité de l’orbite lunaire, étude des marées, transit de Vénus, etc. ) laissait présager une carrière pleine de promesses ; c’est pourquoi il est très apprécié en Angleterre, où il est considéré comme le fondateur de l’astronomie moderne.

(3) Ce qui a fait dire à certains qu’il était pasteur, une chose pourtant impossible en raison de son jeune âge.

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