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Video ergo cogito
04/05/2012

Toutes ces évolutions, tous ces changements de regard et d’approche sont chronologiquement séparés par l’apparition de la vidéo dans la vie de Jean-Luc Godard. Peu à peu, il l’apprivoise, l’intègre dans ses processus de création. On a même l’impression que c’est par moments elle qui l’apprivoise, qui lui dicte une nouvelle manière de penser le cinéma et la vie. Il va jusqu’à produire bien plus de vidéos que de films, s’attarder sur les montages, réfléchir le médium, réfléchir le cinéma et la télévision à travers les nouveaux codes, les nouveaux rapports au temps. Godard, peu à peu, devient vidéo, la vidéo devient Godard. Et il finit par produire ce que Philippe Dubois considère comme étant une des plus grandes réussites de la vidéo, une série de documentaires, « Histoire(s) du cinéma ».

Liège, viviers vidéo

GodartLe dernier texte de la partie consacrée à la vidéo et au cinéma se penche sur le travail d’un couple de vidéastes liégeois, les Nyst. « Ils étaient professeurs à l’académie des beaux-arts, contextualise Philippe Dubois. Je voulais en parler pour plusieurs raisons. Ils sont maintenant décédés, et ce furent de bons amis. Ils étaient également amis de Guy Jungblut, l’éditeur de l’ouvrage. Mais les Nyst étaient surtout réputés internationalement, et je voulais rendre compte de leur travail. De par une longue carrière artistique, ils synthétisent un peu l’évolution de la pensée de la vidéo entre les années 1970 et 1980. Dans un premier temps, ils l’utilisent en tant que nouvel art, d’un point de vue plasticien, participent encore de la croyance que la vidéo a une valeur intrinsèque, ontologique, qui lui est propre. Et puis, ils négocient ce fameux virage dans les années 1980 et parviennent à rester actifs dans la vidéo en la rapprochant du cinéma, et en y intégrant des notions de récit et de narration. »

Au-delà des Nyst, l’auteur avoue sa volonté de montrer que Liège a été une véritable plaque tournante de l’émulsion autour de la vidéo, notamment via ces artistes, et d’autres, comme les frères Dardenne, mais également de manière concrète par l’émission « Vidéographie », qui fut diffusée pendant une dizaine d’années sur la RTBF. Cette émission diffusait des œuvres internationales, mais produisait également des réalisations d’artistes régionaux.

Un outil pour penser

Il est certain qu’en regard des concepts artistiques, philosophiques, épistémologiques et sémiotiques sollicités pour ce parcours, la lecture nécessite un minimum de prérequis. La finalité est d’amener le lecteur à réfléchir autrement, sans rechercher de réponses précises, apprendre à se poser d’autres questions, à observer et à interroger le monde de l’image. Philippe Dubois conçoit bien ses idées et les énonce clairement, dans un style sculpté, agréable et fluide, s’autorisant des jeux de mots ouvrant sur plusieurs sens possibles pour un même propos. Un ouvrage qui flatte la lecture et facilite la compréhension de ses idées, n’hésitant pas quelques détours, s’attardant sur des explications théoriques, ou des illustrations par des exemples éloquents.

L’ambition n’est certes pas positiviste, elle est ailleurs. L’ouvrage, comme la vidéo, se construit comme un outil de pensée, une manière d’amener à réfléchir, à se poser des questions sur le monde qui nous entoure et rejoint donc les valeurs d’enseignant que Philippe Dubois veut transmettre. « La recherche comme un moyen pour parvenir à une réponse ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est la recherche pour elle-même, en tant que fin, en tant qu’elle offre la possibilité de s’interroger sur les choses, en tant qu’elle apprend à apprendre. »

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