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Video ergo cogito
04/05/2012

Ainsi, dès le premier chapitre, Philippe Dubois s’autorise un écart historique qui pourrait provoquer un infarctus auprès d’une personne trop cartésienne. « Ce n’est pas parce que quelqu’un a un nouvel outil à disposition qu’il va créer un nouvel art, avance Philippe Dubois. L’art peut-être très archaïque en utilisant de nouveaux outils, et à l’inverse être très novateur avec d’anciens outils. Dans le premier texte de l’ouvrage, que j’ai écrit il y a trente ans, j’ai conscience de jouer avec une certaine provocation sur un bel anachronisme en affirmant que la photo et la vidéo sont à l’origine de la peinture. C’était une manière d’affirmer que je suis contre la pensée téléologique dans les arts et dans les images, en tant que construction d’un évolutionnisme de la pensée. L’intérêt de ce texte est de démontrer qu’il n’y a pas de téléologie dans l’esthétique. Elle se différencie de la technologie. Bien sûr, elles sont par moments liées, mais elles sont aussi distantes l’une de l’autre. En posant ce postulat, on peut associer des démarches et des modes de pensée qui n’ont a priori rien en commun. Par exemple, une main peinte sur une paroi des grottes de Lascaux, en termes de pensée, ramène déjà à la question de la photographie. » D’un point de vue technique, les deux démarches n’ont rien à voir. Mais si on s’attarde sur la pensée qui amène une personne à vouloir figer le réel dans le temps, en image…

Une personne place sa main sur la paroi et souffle une poudre colorée qui s’inscrit sur le support de pierre et de roche. C’est la technique du patron. La main a préservé une partie de la paroi de la poudre colorée et l’image ressemble donc au négatif d’une photographie et elle fixe pour l’éternité un moment précis, comme une photo, à l’aide d’une projection sur un support. Dans le cas des peintures d’hommes préhistoriques, il s’agit d’une projection de poudre, dans le cas de la photo, de lumière, qui vient s’inscrire sur un support par des procédés physico-chimiques. Mais il y a des liens évidents en termes de démarche et de régime de pensée.

Vidéo trouble, de l’impossible définition intrinsèque à la transversalité

Volets« J’ai longtemps cru qu’il était possible de trouver des valeurs propres à la vidéo, une esthétique propre, par exemple, avoue le théoricien. Mais j’ai relativisé cette croyance, depuis. » Cette ambition, qui se révèlera du constat même de l’auteur infondée, traverse toute la première partie de l’ouvrage, consacrée à la vidéo et à la théorie des images. Elle permet pourtant bel et bien de poser un cadre d’observation intéressant, et d’asseoir la vidéo en tant que concept, de la replacer dans son histoire. Cette première partie pose les jalons de la vidéo, ses racines, en tant que technologie, en tant qu’esthétique, en tant que marquée par sa filiation à la peinture, à la photo, au cinéma, aussi, mais également aux ombres, aux miroirs, à l’image.

Un de ces textes, « Pour une esthétique de l’image vidéo », permet également de l’éloigner du cinéma, en tentant de manière habile de lui dégager une esthétique sinon propre, plus appropriée. En parlant de la vidéo, les théoriciens utilisent en effet les codes du cinéma. Ils parlent allègrement de plan, de montage, de champ et de profondeur de champ. Certes, la vidéo propose des images en mouvement qui s’y apparentent, mais s’agit-il d’un même mode de création ? D’une même finalité ? La question mérite d’être posée. La où la narrativité du cinéma par le plan et par le montage est contrainte par un développement temporel linéaire d’un récit, la vidéo témoigne plutôt d’une construction et d’une exposition simultanée des idées. Elle systématise d’autres techniques et d’autres esthétiques utilisées de manière sporadique dans le cinéma. 

Ces techniques qui instaurent un nouveau rapport au temps, et qui sont rendues possibles par le signal électronique, cette simultanéité de l’exposition des images, Philippe Dubois en développe trois ; la surimpression, les volets et l’incrustation.

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