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Un salarié, ça se prête un peu, beaucoup, énormément…
02/05/2012

Dans l’évaluation continue qu’elle mène sur ces expériences, elle constate cependant que les salariés mutualisés se déclarent plutôt heureux  « Certes, environ un tiers arrêtent rapidement, soit parce qu’il s’agissait pour eux d’une solution transitoire, soit parce qu’elle ne leur correspond pas. En revanche, ceux qui restent semblent heureux de leur parcours. Ils s’investissent beaucoup dans les entreprises où ils travaillent. De plus, ils ont le sentiment de pouvoir compter sur un emploi stable puisqu’en cas de ‘baisse de régime’ chez un de leur employeur, ils savent qu’ils poursuivront leur travail chez un autre et que leur avenir ne dépend pas que d’une seule firme », remarque-t-elle. Alors que généralement, le découplage entre employés et utilisateur est synonyme de précarité sociale, ici, le système fait office de levier de sécurité. « A Job'Ardent, nous n’avons jamais licencié », souligne-t-elle. Et si un employeur a souhaité cesser une collaboration avec un salarié, une autre entreprise a pris le relai…

Les employés des GE semblent apprécier aussi le fait de changer d’emploi et de ne pas faire toujours la même chose. C’est le cas pour ceux du GE bruxellois : ils se partagent entre une entreprise de chocolat l’hiver et, l’été, une de viande, afin de répondre aux besoins accrus liés aux barbecues. « La polyvalence acquise grâce à ces changements est un plus pour les salariés », remarque également Virginie Xhauflair. En France, lors d’une inactivité du salarié, il n’est pas rare de le faire profiter d’une formation qualifiante, qui augmente encore ses compétences…

De nouveaux métiers

Enfin, parmi les nouveaux enjeux, Virginie Xhauflair pointe l’émergence de métiers de l’accompagnement de ces dispositifs de mutualisation. Généralement, l’idée d’un GE vient  de l’extérieur : elle est portée par une Chambre de commerce, une collectivité locale, une entreprise d’insertion, des bureaux de conseil, une agence d’intérim. Le pari consiste à faire prendre la greffe entre des entreprises et à les faire s’approprier le projet. "Leur engagement est généralement le gage du succès du GE", insiste l’anthropologue.

Pour des GE de petite taille, on peut imaginer qu’un des employeurs assume, contre rétribution, la tâche de mobilisation et de gestion. Mais, pour un GE plus important, un gérant salarié (parfois issu d’une des entreprises concernées), un directeur et une structure dédiée à l’animation et à la coordination s’avèrent nécessaires. « Les GE ont besoin de ces ‘chefs d’entreprises’ alliant des compétences en gestion et en management à une grande polyvalence, puisqu’ils sont aussi en charge du développement stratégique du GE. Quelque soit le nom qu’on donne à ces personnes, elles incarnent la figure de l’employeur. Et, en réalité, ceux ou celles qui ont les profils correspondant à cette fonction peuvent vraiment se présenter aux concours de l’homme ou de la femme le plus fort du monde ! », sourit Virginie Xhauflair.

Les formules magiques

Une expérience bruxelloise et liégeoise positive, ainsi qu’un GE développé dans le secteur maraîcher : en Belgique, la mutualisation de main-d’œuvre est loin de ressembler à une succes-story de grande ampleur. Pourrait-on améliorer ce constat ? « La philosophie actuelle des GE en Belgique et leur cadre juridique ne favorisent pas leur développement. De plus, ce dispositif, porté par des tiers, reste encore méconnu des entreprises. Enfin, le partenariat, qui est au cœur de ce dispositif, n’est peut-être pas encore entré dans nos mentalités » admet Virginie Xhauflair. Inutile de nier, également, que la complémentarité fait naître un nombre certain de contraintes supplémentaires que les entreprises devront assumer. « Sans réelle motivation des employeurs, inutile d’espérer que l’expérience va fonctionner ! », confirme l’anthropologue.

Pourtant, et même s’il ne s’agit pas d’une formule magique contre la crise ou d’une martingale destinées à résoudre toutes les difficultés des entreprises, « les GE pourraient occuper une place plus importante. Ils constituent une solution intéressante dans un grand nombre de cas, y compris pour des PME ou des associations, et représentent un changement de niveau de la résolution de problématiques d’emplois. Des employeurs aux salariés, des syndicats aux Chambres de commerce, les GE sont une nouvelle manière de penser mais, aussi, une tendance de fond, porteuse de leviers de développements territoriaux. Bien conçu, le GE est une formule win-win », assure Virginie Xhauflair. Alors, à quand les petites annonces : « Employeur idéaliste chercher employeurs réalistes pour partenariat autour de salariés en commun. Pas sérieux s’abstenir. » ?

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