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La coccinelle asiatique mobilisée dans la lutte anti-pucerons
25/10/2016

Rien qu'en Belgique, il existe des centaines d'espèces différentes de pucerons. Ceux-ci sont susceptibles de s'attaquer à une très large gamme de végétaux: depuis les rosiers et les arbres d'ornement jusqu'aux champs de céréales et aux vergers, en passant par les productions maraîchères. La coccinelle compte parmi leurs principaux prédateurs. Pourquoi, dès lors, ne pas utiliser la force destructrice de la coccinelles asiatique (Harmonia axyridis), devenue abondante dans toute l'Europe, pour venir à bout des minuscules ravageurs? Dans ce domaine, la lutte intégrée fait des pas de géant. Publiée récemment dans la littérature scientifique, l'identification de la phéromone sexuelle de l'insecte par le Laboratoire d'entomologie fonctionnelle et évolutive de Gembloux Agro-Bio Tech a constitué une étape fondamentale dans la connaissance de cette espèce pas comme les autres de "bête à bon Dieu". Il en faut plus, toutefois, pour passer du laboratoire aux champs en toute sécurité et en toute efficacité. Raison pour laquelle, malgré les aléas traditionnels de la recherche appliquée, de nouveaux travaux sont menés sans relâche sur le site gembloutois. 

Coccinelle Asian Ladybird

Vingt ans que cela dure... Vingt ans, à peu près, que la coccinelle asiatique (Harmonia axyridis) s'est installée progressivement dans la plupart des milieux naturels et artificiels de nos contrées. Utilisée au départ pour venir à bout des pucerons dans les serres (et censée mourir à la mauvaise saison), elle a finalement "trop bien" réussi sa mission d'origine. Réputé pour sa voracité (particulièrement sa larve), le petit coléoptère s'est en effet révélé capable de survivre aux basses températures. Il est devenu, surtout, un compétiteur très sérieux pour les coccinelles indigènes, particulièrement celles à deux points (Adalia bipunctata) et à dix points (Adalia decempunctata), dont il dévore les œufs et les larves. Dans les vignobles, mais aussi dans les vergers, Harmonia axyridis a la fâcheuse tendance de se précipiter sur les fruits, dès leur maturité, et d'y rester accolé sous la forme d'agrégats de plusieurs dizaines ou centaines d'individus. Au fil de la récolte et du processus de fabrication, le goût des produits finis s'en trouve altéré. Même les particuliers, à domicile, commencent à se lasser de la petite "bête à bon Dieu" venue d'Asie: si son intrusion dans l'intérieur des habitations peut être accueillie avec une certaine sympathie au départ, il n'en va plus de même lorsqu'elle dévoile l'entièreté de ses mœurs. Elle est capable, par exemple, d'hiberner dans les moindres fissures des murs et anfractuosités des châssis et, dans certaines circonstances, d'émettre une substance salissante et, surtout, allergisante pour certaines personnes (rhinites, éruptions cutanées, etc.) 

Au Laboratoire d'entomologie fonctionnelle et évolutive de Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège), on a suivi, pas à pas, la progression de la coccinelle asiatique en Europe et en Belgique: en Flandre, d'abord, puis à Bruxelles et dans toute la Wallonie. On a tenté de comprendre les mécanismes expliquant cette expansion très rapide. Il y a quelques années, par exemple, les chercheurs de Gembloux ont mis en évidence le rôle des hydrocarbures secrétés par ces animaux pour "marquer" les lieux de rassemblement et inciter leurs congénères à s'y rassembler. Incarné aujourd'hui dans la plate-forme AgricultureIsLife, le fil blanc des recherches, dès le départ, a consisté à s'inscrire dans la perspective de la lutte intégrée. Il s'agissait - et il s'agit toujours - de renoncer aux pesticides de synthèse ou de les réduire au strict minimum. La lutte intégrée leur préfère une combinaison de diverses techniques préventives et curatives qui, plus naturelles et se renforçant l'une l'autre, parviennent à limiter l'infestation des insectes et les dégâts occasionnés aux cultures. Qu'il s'agisse, d'ailleurs, d'Harmonia axyridis ou de n'importe quelle espèce de ravageur...

Simuler, pour attirer 

Une des découvertes récentes fondamentales, à propos de la coccinelle asiatique, a été la mise à jour, il y a deux ans, de la phéromone sexuelle intervenant dans sa reproduction (Lire Chasse aux pucerons, une histoire de sexe). "Il faut se faire une raison, explique François Verheggen, chef de travaux au laboratoire d'entomologie: il est totalement illusoire d'espérer venir à bout de cet animal, désormais installé en masse dans toute l'Europe. Qui oserait encore, aujourd'hui, plaider pour le recours à des produits de synthèse, toxiques pour l'environnement et l'utilisateur? Ceux-ci de toute façon, risqueraient de s'en prendre à d'autres espèces. Il vaut mieux adopter une approche plus fine, par exemple en tentant d'utiliser la coccinelle asiatique à notre profit, notamment dans la lutte contre les pucerons. Mais à une condition fondamentale! Il s'agit, cette fois, de bien connaître et maîtriser ses caractéristiques. Il n'est plus question de jouer à l'apprenti sorcier, comme on l'a fait dans le secteur maraîcher dans les années nonante!

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