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Les Belges au pied des urnes
23/04/2012

VoteTout cela fait désordre et entraîne la remise en cause du système actuel par le biais de propositions visant à regrouper les échéances des élections fédérales et fédérées. Cette question n’a cependant pas été définitivement tranchée par l’accord politique sur la sixième réforme de l’Etat. Quant à Frédéric Bouhon, il nous invite à « ne pas trop vite considérer que le fait de convoquer souvent les électeurs est en soi un vice dans une démocratie ; n’est-ce pas, au contraire, le meilleur moyen de leur (aux citoyens) donner l’occasion de participer régulièrement à l’exercice du pouvoir politique qui est, le reste du temps, concentré dans les mains des élites ? »

Quant à l’obligation de voter, introduite en 1893 pour remédier à l’absentéisme et stimuler les électeurs modérés, elle nourrit depuis lors une foule de débats politiques, juridiques et philosophiques. Précurseur à la fin du XIXème siècle, la Belgique fait aujourd’hui figure d’exception : dans la plupart des démocraties, le vote est facultatif. Et de plus en plus de voix réclament l’abolition de son caractère obligatoire, car le droit de vote ne devrait pas être assorti d’une obligation. Mais d’autres voix, en nombre croissant sur le plan international, mettent en évidence les vertus du vote obligatoire face au déclin de la participation électorale et de la confiance dans les institutions politiques. Le vote obligatoire leur apparaît alors comme un moyen permettant de faire naître un espace public plus dynamique. Ici comme ailleurs, le débat n’est donc pas clos, loin de là.

Féminisation, rajeunissement, professionnalisation

La cinquième partie du livre, consacrée aux questions postélectorales et aux processus de formation des exécutifs, fait également ressortir les grandes évolutions des « profils » de nos représentants : comment leurs caractéristiques sociodémographiques ont évolué et quel a été l’impact des mesures introduites pour assurer une plus grande diversité des élus, comme c’est le cas des quotas hommes-femmes. De l’échelon communal au Parlement fédéral, il tombe sous le sens que les assemblées d’aujourd’hui ne ressemblent plus beaucoup à ces cénacles de notables ventripotents à gilets rayés, montres-goussets et rouflaquettes, qui faisaient la joie des caricaturistes au XIXème siècle. A y regarder de plus près, cependant, c’est depuis la seconde moitié du XXème siècle que les évolutions dans la composition des assemblées ont été les plus prononcées. Les politologues gantois Carl Devos, Herwig Reynaert, Tony Valcke et Hilde Van Lieferinge discernent trois tendances frappantes depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale : les élites nationales, fédérales ou locales sont devenues plus féminines, plus jeunes et plus « professionnelles », en ce sens que l’activité politique est de plus en plus souvent un métier à part entière, que l’on n’exerce plus en appoint d’une profession principale. Autrement dit, les politiciens ne vivent plus pour la politique, mais de la politique. Cette évolution est allée de pair avec une augmentation constante de leur niveau d’instruction : seuls 5% des parlementaires n’avaient pas de diplôme supérieur en 1999, alors que c’était encore le cas d’un quart d’entre eux en 1981. Le contexte politique de l’après-guerre a été caractérisé par de multiples évolutions comme le décloisonnement des anciens réseaux ou « piliers » d’appartenance, le recul des idéologies classiques, l’individualisation, le multiculturalisme, mais également la médiatisation et la personnalisation de la politique.

Candidats gadgets

A cela s’ajoute la volatilité croissante des électeurs, perceptible depuis le milieu des années 1960, avec la montée des partis « ethnolinguistiques », communautaires et fédéralistes. Ce phénomène, confirmé par la poussée de l’extrême-droite lors du « Dimanche noir » de 1991, a incité les partis traditionnels à modifier leurs stratégies de recrutement. Au lieu d’un public électoral fixe par parti, chaque électeur est devenu une cible potentielle pour tous les partis. C’est pour cette raison que l’on a fait un appel grandissant, surtout en Flandre, à ces candidats extérieurs au sérail politique, personnalités connues, « lapins blancs » et autres « bekende Vlamingen » susceptibles de rallier des voix de préférence en dehors de la clientèle classique des partis. Ces enfants de politiciens importants, personnalités connues du monde académique, journalistique, syndical, artistique ou sportif, s’inscrivent dans le contexte d’une vie politique très médiatisée et personnalisée, où les candidats-surprises sont censés aider les partis à s’attirer les faveurs des électeurs volatils. Quant à la question de savoir si cette mise en vedette de candidats « attrape tout » n’est pas trop centrée sur les paillettes du succès immédiat au détriment des objectifs politiques à long terme, elle garde sans doute toute sa pertinence...

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