Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Coup de projecteur sur la bactérie Escherichia coli
17/04/2012

Quand l’épidémie s’est déclenchée en Allemagne en 2011, les suspicions se sont naturellement portées dans un premier temps vers cette souche EHEC O157:H7, qui reste la plus fréquente. Or, après deux semaines d’enquête, il a été révélé qu’il s’agissait d’une nouvelle souche d’E. coli, la souche O104:H4. L’ensemble des propriétés de cette souche, quasi inconnue jusqu’alors, fait que, contrairement à la souche EHEC O157:H7, elle ne peut se fixer qu’aux cellules de l’intestin humain et ne se retrouve pas chez les animaux. Ces propriétés prouvent donc qu’elle est d’origine humaine (Voir ci-dessous « Une nouvelle nomenclature pour mieux cerner l’origine de la maladie »). « Cette information a vite été « oubliée », déplore le chercheur. En tant que vétérinaire bactériologiste, j’étais agacé par l’idée qu’en cas d’épidémie, on mette systématiquement l’animal en cause, particulièrement quand les symptômes témoignent d’une infection due à la bactérie E. coli. Dans le cas de la souche O157:H7, l’origine animale n’a pas à être mise en cause, je le concède. Mais dans d’autres cas, la source est bien différente. Ce qui m’a poussé à collaborer à cet article, c’est la lecture d’un commentaire d’un citoyen sur le site internet d’une télévision belge. Peu de temps après le début de l’épidémie, un journaliste annonçait que plusieurs Français avaient également été intoxiqués, mais qu’il s’agissait d’une autre souche. En effet, les personnes atteintes avaient mangé des hamburgers. Le journaliste avait donc raison. Mais un des lecteurs de l’article avait écrit en commentaire ‘Une autre souche ? Allons donc ! Les scientifiques se moquent de nous.’ Ce commentaire illustrait donc parfaitement cette espèce d’incompréhension, due au fait qu’on n’expliquait pas assez le problème au grand public. »

D’homme à homme en passant par des crudités

concombre-autrichien

Il fut difficile d’identifier la source de la contamination, l’aliment à la base de l’épidémie, même s’il semblait concentré en Allemagne. Une belle preuve qu’il ne fut pas aisé de démasquer le coupable aura été la condamnation sans nuance du concombre espagnol. « Des enquêtes épidémiologiques remontaient des personnes contaminées à ce type de concombre. Mais cette cause demeurait de l’ordre de la suspicion, explique le chercheur. Malheureusement, cette suspicion est vite passée, sans aucune raison, pour un fait avéré et prouvé, ce qui a été une première grosse erreur dans la communication et l’origine d’une autre belle confusion générale. »

D’un point de vue épidémiologique, après s’être penchés sur plusieurs coupables présumés, les regards se sont arrêtés sur des germes de fenugrec, une plante médicinale souvent présentes dans des plats de crudités, produits en Egypte et ayant transité par l’Angleterre avant de gagner l’Allemagne. « L’hypothèse la plus plausible est qu’un homme porteur de la bactérie est entré en contact avec ces légumes au cours de la chaine de production. La culture de ces germes de fenugrec dans un climat propice (température, humidité, production biologique) ont favorisé la multiplication de la souche O104:H4 qui finalement, une fois mangée par l’homme, l’aura intoxiqué. Mais, même si l’épidémie a touché plusieurs milliers de personnes, il faut cependant insister sur le fait qu’il s’agit bien, épidémiologiquement parlant, d’un événement isolé, d’un accident ponctuel. Une fois la source identifiée et retirée de la chaîne alimentaire, l’épidémie a ralenti et a fini par s’arrêter. »

Le légume fenugrec a donc été le vecteur intermédiaire entre l’homme et l’homme, et non entre l’animal et l’homme. « C’est une nuance bactériologique qui paraît simple une fois qu’on le sait, mais qui n’est pas encore acquise par tout le monde, même au sein de la communauté médicale. Certains pensent encore que les germes de fenugrec auraient pu être contaminés par les matières fécales des bovins, par exemple. »

Pour rendre encore plus ardue la quête d’autorité des bactériologistes, et même s’il est presque avéré que ces germes de fenugrec soient à l’origine de la contamination, personne ne pourra jamais le démontrer avec certitude. « Il ne sera plus que probablement pas possible d’isoler la bactérie de la graine, car elle est présente en trop petite quantité au départ, constate le chercheur. En bactériologie, lors d’un diagnostic, la quantité du microbe pathogène est très importante. On sait le retrouver chez l’homme car il se multiplie en masse, mais il est difficile voire impossible de le retrouver dans une source alimentaire comme le fenugrec, dans ce cas-ci, en tout cas. »

Page : précédente 1 2 3 4 suivante

 


© 2007 ULi�ge