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Patients cancéreux âgés : le poids d'une double stigmatisation
03/10/2016

Le parler « petit vieux » émanant des médecins n'est pas sans incidences sur les patients. Il ébrèche l'estime qu'ils ont d'eux-mêmes et, à terme, réduit la fréquence de leurs interactions sociales avec des plus jeunes. En outre, Sarah Stroyen signale que face à un médecin qui leur parle « petit vieux », certains patients reproduiront le stéréotype lié à l'âge en s'adaptant à la façon dont s'exprime leur interlocuteur, mais que d'autres auront une réaction inverse d'affirmation de soi. « Alors, de deux choses l'une, indique Sarah Schroyen : soit le médecin voit que ses stéréotypes sont démentis et il se met à parler normalement, soit, devant l'attitude revendicatrice ou grincheuse du patient, il estime que ses stéréotypes relatifs à la vieillesse sont confirmés. Dans ce cas, on tourne en rond... »

Vieillesse cancer2

Davantage de plaintes 

Focalisée sur les patients, la seconde partie du travail de recherche de la psychologue ambitionnait de répondre à la question suivante : dans quelle mesure la perception que les personnes âgées ont de leur âge ou du cancer retentit-elle sur leur santé physique et mentale ? Cent un patients de plus de 65 ans venant de recevoir un diagnostic de cancer mammaire, gynécologique, pulmonaire ou hématologique participèrent à l'étude. Il leur fut initialement demandé de remplir trois questionnaires, axés respectivement sur leur vision de l'âge, leur perception du cancer et leur état physique et mental du moment. Sarah Schroyen les suivit pendant un an, afin de déterminer si le niveau de leurs plaintes évoluait en matière de santé physique et mentale (mémoire déficiente, état dépressif, etc.) en fonction de leurs stéréotypes.

L'hypothèse de départ formulée par la chercheuse était que les patients ayant le plus de stéréotypes négatifs à propos de leur propre vieillissement et de leur cancer décriraient davantage leur santé physique et mentale comme problématique. Et de fait, déjà peu de temps après le diagnostic de cancer, les personnes qui entretenaient des stéréotypes négatifs sur le vieillissement rapportaient plus de problèmes physiques et mentaux que les autres. Quant aux stéréotypes négatifs sur le cancer, ils sont associés, dans les premiers temps de la maladie, à un nombre de plaintes plus important dans la sphère de la santé mentale. Toutefois, lorsqu'on étudie l'évolution des paramètres durant l'année, les deux types de stigmatisations (âge, cancer) aboutissent à une augmentation des plaintes tant au niveau de la santé physique qu'à celui de la santé mentale. « En revanche, quand les stéréotypes sont moins marqués, on assiste souvent à moins de plaintes tout au long de l'année », précise Sarah Schroyen.

Un des projets en cours est de recruter, en collaboration avec l'Université de Bordeaux,  un plus grand échantillon de patients, de le suivre durant 3 ans et, au-delà des paramètres subjectifs rapportés, d'établir une relation éventuelle entre, d'une part, les statistiques de survie et d'évolution objective de la maladie et, d'autre part, les stéréotypes nourris par les patients.

Sarah Schroyen a encore un autre fer au feu. Elle aimerait tester, chez les patients, un « mécanisme d'affirmation de soi », l'idée étant de mettre en évidence des valeurs importantes pour la personne. En effet, dans le vieillissement normal, cette méthode tend à diminuer les stéréotypes. En sera-t-il de même chez les patients âgés cancéreux ? Et avec quelles conséquences ? La question reste posée.

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