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Les juges peuvent-ils être des décideurs politiques ?
28/09/2016

jugeLes auteurs de l’ouvrage dégagent une troisième grande fonction politique des juges : garantir la stabilité d’un système politique. Les cours constitutionnelles, chargées dans de nombreux Etats de vérifier la conformité des lois à la constitution, sont un exemple de ce type de fonction. La férocité avec laquelle le parti conservateur polonais, le PIS, s’est attaqué au tribunal constitutionnel lors de son retour au pouvoir en octobre 2015, est une indication de l’importance de ce type de juridiction. Un bras de fer s’est engagé entre le PIS et le tribunal constitutionnel polonais quand celui-ci a rejeté certaines dispositions d’une nouvelle loi qui modifierait son propre fonctionnement. Selon la Commission européenne, cette réforme viole l’Etat de droit, à tel point que la Pologne pourrait être sanctionnée si le gouvernement persistait à l’introduire. Aux Etats-Unis, les débats concernant le remplacement d’un juge de la Cour suprême des Etats-Unis décédé en février 2016 ont là aussi montré toute l’importance de l’enjeu. Le Président Obama est entré dans un combat avec les Républicains, majoritaires au Sénat, pour tenter de faire accepter la nomination de son candidat avant l’élection présidentielle de novembre 2016.  

L’arrêt BHV de la cour constitutionnelle 

La situation est plus paisible en Belgique, mais Geoffrey Grandjean relève que les juges de la cour constitutionnelle sont parfois amenés à prendre des décisions parce que le pouvoir législatif n’a pas voulu trancher. « Le meilleur exemple est celui de l’arrêt Bruxelles-Hal-Vilvorde du 26 mai 2003, dans lequel les juges n’imposent pas au législateur de légiférer, mais constatent que la circonscription électorale ne peut être maintenue pendant plus de quatre années supplémentaires. Ils arrivent donc à une position qui satisfaisait les deux grandes communautés belges, en ne forçant pas le législateur à scinder BHV mais en lui disant qu’il y avait un problème. L’arrêt a été dénoncé par certains élus politiques, flamands ou francophones, d’autres y ont vu un élément positif. Lors de la scission de BHV, il a été cité dans les débats parlementaires, sans être l’élément crucial de la décision ». 

A noter que l’évolution de la cour d’arbitrage vers la cour constitutionnelle de Belgique est l’exemple type de la manière dont les juges, par leurs interprétations, sont à même d’étendre leurs pouvoirs. Geoffrey Grandjean : « Le prédécesseur de la cour constitutionnelle, la cour d’arbitrage, avait été créée pour arbitrer les conflits de compétence entre entités fédérale et fédérées. On lui a ensuite reconnu le droit de vérifier si les lois respectent les articles fondamentaux de la Constitution (2). Les juges ont progressivement élargi leur pouvoir d’interprétation de ces articles jusqu’à montrer que la Cour d’arbitrage pouvait vérifier le respect d’une partie bien plus large de la Constitution. Le législateur a fini par lui reconnaître ce pouvoir, puis par la renommer en cour constitutionnelle ».

(2) sur le principe d’égalité, la non-discrimination et les droits et libertés en matière d’enseignement

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